Il y a 62 ans, l’ex-sergent-chef Mohamed Boucherraine qui dirigeait une section de l’armée de libération nationale (ALN), tombait au champ d’honneur après sa dernière bataille livrée contre les forces coloniales sur les hauteurs du village Aguouillal (Nord-est de Bouira) qui relevait de la zone II de la wilaya III historique.
C’est sur le mont forestier de Thaourirth surplombant Aguouillal (Nord de l’actuelle El Adjiba), que le valeureux guerrier « Boucherraine » a pu mener son dernier combat en plein hiver, soit le 22 janvier 1960, quelques mois seulement après le début de l’opération jumelles lancée en juillet 1959 par le général Challe.
Dans des témoignages recueillis auprès d’anciens Moudjahidine à l’image de Kaci Abad, l’historien Ali Amrani est revenu sur cette bataille historique qui a duré plus de 15 heures.
Les faits de cette bataille remontent, selon cet enseignant d’histoire, à la nuit du 21 janvier 1960 lorsque deux sections de l’ALN, dont celle dirigée par le sergent-chef Mohamed Boucherraine, tentaient d’échapper à une vaste opération de ratissage lancée par les troupes ennemies depuis M’Chedallah, Semmache, Thiniri et la Crête rouge.
« Cette nuit-là, nous étions deux sections, une dirigée par le sergent-chef Boucherraine, et une autre par Guerrout Meziane dit Bouachiwen. A minuit, nous avions reçu des renseignements en provenance de Tala Rana faisant état du lancement d’un vaste ratissage pour encercler Aguouillal et toutes les bourgades environnantes », a raconté Abad dans son témoignage livré à M. Amrani.
Réfugiés au village Imesdurar, les dirigeants et quelques éléments des deux sections s’étaient immédiatement réunis quelques minutes plus tard pour décider de s’éloigner rapidement des lieux avant l’arrivée des convois militaires.
« Nous avions quitté le refuge d’Imesdurar à trois heurs du matin. A notre arrivée au lieu-dit Alma Bwakli, les deux sections ont décidé d’un commun accord de se séparer. Celle de Bouachiwen a progressé vers Adrar Issighiden et la section sous la houlette de Boucherraine a poursuivie sa marche vers Nvaghvagh et Agouni Neslatha », a raconté l’ancien moudjahid, Abad.
Composée de 24 combattants, la section sous l’égide de Mohamed Boucherraine avait alors emprunté le chemin menant de la bourgade Isslane pour rallier Vaghvagh via Thalakht et Vousserfine. « A leur arrivée juste au lieu-dit Thala Boulmane aux environs de 4h30 du matin, les premiers éléments de la section furent surpris par un déluge de feu de soldats français en embuscade.
Deux des moudjahidine, dont Kaci Abad, ont été blessés et arrêtés, tandis que les autres ont vite rebroussé chemin pour regagner les hauteurs du mont de Taourirth, où ils prirent des positions stratégiques au milieu de la forêt de Boukerchane, où ils furent repéré par l’armée française.
Dans un autre témoignage recueillis par l’APS, feu moudjahid Ahmed Sait, dit Ahmed Ouali, qui était à l’époque chef de refuge, a aussi rapporté que les troupes ennemies avaient vite repéré le lieu où se cachaient les Moudjahidine.
== Un climat de guerre s’est emparé de tout le village ==
« De gros renforts ont été déployés dans toute la région et à Aguouillal surtout. Des avions de guerre survolaient cette bourgade inaccessible, et au même moment, des paras étaient vus atterrir sur les hauteurs d’Ifiri et progresser vers Boukerchane », raconte Ahmed Ouali.
Plus d’une heure plus tard, les premiers groupes de paras sont arrivés, épuisés à cause de la lourdeur de leurs sacs et de la neige qui recouvrait cette zone, et furent surpris par des rafales et des tirs nourris.
« Une dizaine de soldats ennemis furent tués sur le coup, de violents accrochages s’en sont suivis et la bataille a commencé. Au début, les moudjahidine de la section qui connaissaient bien les s et recoins de cette zone, ont pu maîtriser les combats sans subir de grosses pertes, mais l’intervention des avions de l’ennemi avait contraint les combattants de l’ALN de se disperser pour éviter les bombardements », a-t-il témoigné.
A la levée du jour, les avions bombardaient au napalm toute la zone abritant les moudjahidine, ces derniers se sont dispersés dans la vaste forêt tout en poursuivant le combat, selon les mémoires du défunt historien Ali Amrani.
« C’était un climat de guerre et de peur qui s’est s’emparé de tout le village d’Aguouillal et des localités environnantes comme Thaddarth Oumlalou, Thaqqa, déjà encerclés depuis l’aube et occupés par l’armée coloniale », a-t-il dit, se référent aux témoignages d’anciens moudjahidine.
Les populations ont été regroupées dans un centre de détention à Semmache. Des hommes et des femmes de ces villages ont été torturés, « certains en sont morts », a affirmé l’ancien Moujdahid Ahmed Ouali.
Plusieurs d’entre eux sont tombés en martyrs en ripostant et d’autres ont réussi à s’échapper via Assif Ouhedad, Thaghzouth et par la forêt d’Ighvir et d’Ahdifa. La bataille s’est soldée par de lourdes pertes dans les rangs de l’ennemi. Dans ses mémoires, l’historien Ali Amrani évoque près de 50 soldats français tués dans les combats.
La section de l’ALN a, quant à elle, perdu quatorze de ces hommes tombés au champ d’honneur, dont le chef de la section Mohamed Boucherraine qui a succombé à ses graves blessures à Assif N’Thaghzout, alors que quatre autres jounoud blessés, furent arrêtés, lors de cette bataille.
L’assaut de l’armée française sur Aguouillal n’a pas épargné les civiles. « D’ailleurs, une femme (Alouache Adidi) a été tuée lors des combats à Ighvir, alors qu’elle tentait de s’éloigner des bombardements », a écrit l’historien Amrani dans ses mémoires
Au lendemain de l’indépendance, une stèle commémorant cet évènement historique a été érigée à Thaghzouth, à la mémoire des martyrs de cette bataille héroïque ayant marqué la guerre de libération nationale.
APS.
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