Le procès en appel des accusés, au nombre de 26, avait débuté, samedi, après l’appel interjeté du jugement rendu en première instance par le tribunal de Tipasa en date du 18 avril dernier, parmi eux cinq directeurs généraux, le président du conseil d’administration et nombre de ses membres, des directeurs centraux et le directeur régional d’une banque publique ainsi que d’autres fonctionnaires.
Après la décision de la présidente de la chambre correctionnelle de rejeter les exceptions de procédure soulevées par la défense des accusés, concernant la nullité des procédures pénales, au motif que l’action publique est déclenchée sur la base d' »une lettre anonyme », l’instance du tribunal a entamé l’audition des accusés, en ce que la discussion juridique a porté sur la détermination de la responsabilité de chaque accusé et les circonstances d’octroi du marché à une entreprise étrangère en dépit de la carence du dossier technique et financier présenté, outre les dépassements enregistrés dans les procédures d’octroi du marché et les demandes des crédits complémentaires et autres.
Tous les accusés ont plaidé leur acquittement de toutes les charges retenues contre eux, dont des membres des commissions d’ouverture des plis et des marchés, soutenant que leurs prérogatives ne leur permettent pas d’émettre une décision d’octroi conformément au règlement intérieur de l’entreprise, mais cela relève du directeur général avec l’approbation de toute opération par le conseil d’administration.
Les accusés sont poursuivis dans cette affaire dont les faits remontent à la décennie écoulée, pour « dilapidation de fonds publics », « infraction à la loi sur les marchés publics », « octroi d’indus privilèges », « abus de fonction », « implication dans une affaire de corruption » et « passation de marchés douteux ».
Aussi, une instruction judiciaire avait été ouverte par le parquet de Tipasa, suite à une lettre anonyme dénonçant des « infractions graves » dans la gestion du projet de modernisation et de réhabilitation du village touristique (ex-CET) relevant de cette entreprise.
L’entreprise a bénéficié, au début de la décennie écoulée, d’une enveloppe de prés de 4 milliards de DA, portée ultérieurement à 5 milliards de DA, dans le cadre d’un programme national visant la réhabilitation des complexes touristiques publics.
Suite à quoi, il a été décidé de conclure une convention avec le Crédit populaire algérien (CPA) pour financer le projet via un crédit à long terme (2,5 %), comportant cinq axes « matériaux, travaux, études, formation et réalisation de nouvelles activités ». Les fonds devant couvrir les trois unités touristiques (la Corne d’or, Matares et le village touristique), conformément à l’étude technique, selon l’arrêt d’envoi de cette affaire devant le tribunal correctionnel de première instance.
Les différents responsables qui se sont succédé à la tête de l’EGT avaient présenté, plusieurs fois, des demandes de réévaluation de la valeur des crédits alloués aux travaux de modernisation du complexe touristique de Tipasa (Ex-CET), dont le montant était passé de 1,5 milliard DA à 3,5 milliards DA, ce qui constitue une violation des lois et réglementations, alors que les crédits complémentaires étaient estimés à 6 milliards DA, à l’origine d’une perte financière à concurrence de 469 millions de DA pour l’EGT.
Il s’agit de deux pièces jointes portant les numéros 5 et 6, comme ajouts aux dotations financières, afin de justifier des travaux non existants dans le marché principal confié à l’entrepose portugaise « AKA » et portant notamment sur la réalisation d’un centre équestre et d’une forêt récréative, pour une enveloppe de 33 millions de DA, sans recourir à un avis d’appel d’offre international, selon l’arrêt de renvoi.
En dépit des sommes colossales dépensées au titre de ce projet, les travaux de modernisation n’ont touché qu’une partie des complexes la « Corne d’or » et l’ex CET, au moment où le chantier de rénovation des bungalows du complexe Matares, n’a touché que quelques bâtiments, pour une enveloppe de 35 millions de DA.
Les accusés ont nié tous les faits qui leur sont reprochés, les anciens directeurs généraux ont justifié ces violations par des erreurs de gestion, en imputant la responsabilité aux membres de la commission des marchés.
Pour leur part, les membres de la commission des marchés ont réclamé leur innocence, soulignant que leur rôle s’était limité à la rédaction des procès-verbaux des marchés et à l’ouverture des plis et non pas à la signature des décisions d’attribution qui ne relevaient pas de leurs prérogatives.
A noter que l’Entreprise de gestion touristique (EGT) de Tipasa gère trois unités, à savoir le village touristique (ex-CET), la « Corne D’or » et « Matares ».
Le Tribunal de Tipasa avait prononcé le 18 avril dernier des peines allant d’un (1) an de prison avec sursis à six (6) ans de prison ferme à l’encontre des accusés dans l’affaire de corruption à l’EGT de Tipasa.
Les anciens directeurs généraux de l’EGT Bahlouli Mohamed (2014-2016) et Kaoula Yacine (2017-2020) ont ainsi été condamnés à six (6) ans de prison ferme et à une amende de 500.000 DA pour « abus de fonction, dilapidation de deniers publics, passation de marchés en infraction à la réglementation et octroi d’indus privilèges à des tiers ».
Le tribunal a en outre condamné par contumace l’entreprise portugaise de construction ACA à une amende de 5 millions de DA avec exclusion de la procédure de passation de marchés publics pendant cinq (5) ans.
Les anciens cadres centraux à l’EGT Kaouane Noureddine (directeur des finances et des moyens), Maglati Samia (directrice technique), Abdelhak Saadouni (chef de projet) et Khelifi Hamza ont écopé de quatre (4) ans de prison ferme et d’une amende de 300.000 DA chacun pour « dilapidation de deniers publics, abus de fonction, passation de marchés en infraction à la réglementation et octroi d’indus privilèges à des tiers ».
Les accusés Bar Aziz (président du conseil d’administration de l’EGT de Tipasa), Mansouri Abdelkrim (membre du conseil d’administration), Aglouchi Mohamed (ancien directeur général) et Chiah Rabah (ancien directeur général) ont été condamnés à deux (2) ans de prison ferme et à une amende de 200.000 DA chacun pour « abus de fonction ».
Six (6) autres accusés ont été condamnés à un (1) an de prison avec sursis et à une amende de 100.000 DA chacun.
Le tribunal a, par ailleurs, acquitté neuf (9) autres accusés, dont l’actuel directeur général de l’EGT, Boudouma Mohamed, et des directeurs centraux.
aps