Quand les talibans étaient au pouvoir en Afghanistan, entre 1996 et 2001, plusieurs passe-temps préférés des Afghans, comme le cerf-volant, les séries télévisées, les courses de pigeon ou même la musique étaient interdits car considérés contraires aux préceptes de l’islam.
Ces activités sont redevenues populaires après la chute de leur régime fondamentaliste. Mais elles pourraient être en danger si les talibans revenaient au pouvoir.
Les insurgés, qui ont bien l’intention de rétablir leur émirat islamique, ont multiplié les succès militaires depuis que les Etats-Unis ont commencé le 1er mai le retrait final de leurs troupes. L’AFP évoque ces activités menacées par les talibans et la peur gagnant ceux qui s’y prêtent.
Sayed Mohammad est un musicien professionnel qui joue du japani, un instrument traditionnel à cordes d’Asie centrale, auquel il fut initié quand il était jeune.
Il se souvient encore du soir où, il y a 20 ans, des talibans sont entrés de force dans la maison dans laquelle ses amis et lui jouaient de la musique et chantaient.
L’interprétation stricte de la charia à laquelle se réfèrent les talibans suppose que seule la voix humaine devrait produire de la musique et uniquement pour faire l’éloge de Dieu.
« J’étais jeune, alors j’ai été moins battu que mes amis », raconte Sayed, 40 ans, habitant de la province de Kandahar (Sud). « Mais j’ai quand même été incapable de tenir debout pendant trois jours. »
L’un de ses amis a été moins chanceux et a eu les doigts coupés. Quand les talibans ont été chassés du pouvoir par une coalition étrangère menée par les États-Unis en 2001, il a fêté l’événement en assistant à un concert avec des amis.
« Quand la musique était jouée, je sentais comme un frisson me passer dans le corps, tellement j’étais content », se rappelle-t-il. « Ce concert était une expression de joie (…), joie car notre pays était libre et que les gens étaient libres de commencer une nouvelle vie. »
Depuis, de nombreux Afghans comme Sayed sont devenus musiciens et chanteurs professionnels.
« Il n’y a aucun plaisir dans la vie si nous vivons dans la peur et la restriction », estime ce père de huit enfants. Il reste déterminé à vivre sa passion jusqu’au bout, même si les talibans reviennent au pouvoir. « C’est comme une drogue. Même s’ils nous coupent les doigts, nous continuerons à jouer de la musique », prévient-il.
Au premier étage du salon Henna, l’un des plus prisés de Kaboul, ouvert en 2015 dans le quartier moderne de Shar-e-Now, Farida ourle de nacre les paupières d’une mariée aux faux-cils démesurés et ses lèvres d’un carmin sombre et épais.
Les fards blanc, puis beige, puis ocre ont redessiné les contours et le relief du visage. Une ultime trace de poudre dorée et elle passe au chignon, échafaudage complexe de boucles laquées.
Les femmes viennent ici à l’abri des regards masculins – strictement interdits d’entrée – se faire pomponner dans les effluves de cire à épiler, d’onguents et de vernis à ongles.
Des extravagances facturées de 20.000 à 50.000 afghanis (210 à 525 euros), que les talibans, généralement issus des campagnes, exècrent.
Du temps des talibans, les salons de beauté étaient interdits et les femmes ne pouvaient sortir sans être accompagnées d’un homme, ce qui limitait fortement leurs déplacements.
« Sous les talibans, ces salons étaient fermés. S’ils reviennent, nous n’aurons plus jamais la liberté que nous avons maintenant », craint Farida, 27 ans, s’abritant derrière son masque anti-Covid pour dissimuler son visage.
« Ils ne veulent pas que les femmes travaillent. Une fois les Américains partis, qui va nous soutenir ? », se demande la jeune esthéticienne qui s’est formée toute seule en s’exerçant sur sa soeur.
« Chacun a droit à sa liberté, surtout les femmes. Nous ne voulons pas être renvoyées dans le passé », plaide-t-elle.
Dans un marché animé de Kaboul, entouré de centaines de cerfs-volants de toutes tailles, Zelgai se dit déterminé à ne pas abandonner le commerce tenu par sa famille depuis des générations.
Les talibans avaient interdit la pratique du cerf-volant au prétexte qu’elle détournait les jeunes hommes de leurs obligations religieuses comme la prière.
Mais Zelgai et sa famille avaient continué leur activité. « Bien entendu nous le faisions en secret », raconte-il dans son magasin du marché de Shor dans la capitale.
Sa boutique, haute en couleurs, propose des centaines de cerfs-volants prêts à voler. Il répond aussi à des commandes spéciales avec des design plus élaborés. Les affaires ont bien marché après le départ des talibans.
« C’est la liberté (…) Nous sommes en mesure d’exposer et vendre nos cerfs-volants ouvertement, sans aucune crainte », apprécie Zelgai, 59 ans.
Cette passion afghane est connue à l’étranger depuis la parution en 2003 du livre – devenu un film – « Les cerfs-volants de Kaboul », de l’auteur afghan Khaled Hosseini.
Quand le vent le permet, on peut voir des milliers de cerfs-volants flotter dans le ciel bleu d’Afghanistan. Certains prennent part à des combats de cerfs-volants, où les pilotes tentent de se montrer les plus habiles et n’hésitent pas à utiliser des ficelles incrustées de morceaux de verre pour faire perdre à l’adversaire le contrôle de l’appareil. « Des gens souffriraient si c’était (à nouveau) interdit. Des milliers de familles en dépendent pour survivre », s’inquiète Zelgai.
Le jour où elle s’est mise au breakdance, Manizha Talash a su qu’elle devenait une cible pour les talibans.
Elle est la seule femme d’un groupe de danseurs majoritairement d’ethnie hazara, qui pratiquent le breakdance à Kaboul, la plupart du temps en secret.
La jeune femme, âgée de 18 ans, bénéficie du soutien de sa mère qui doit cumuler plusieurs emplois pour faire vivre sa famille depuis que son mari a disparu il y a quelques années. Manizha rêve de représenter son pays aux jeux Olympiques, mais les risques sont nombreux.
Non seulement est-elle est une fille pratiquant une activité interdite aux yeux des talibans, mais aussi appartient-elle à la minorité chiite Hazara, considérée comme hérétique par certains radicaux musulmans.
« Si les talibans n’ont pas changé, qu’ils enferment les femmes chez elles et piétinent leurs droits, alors la vie n’aura aucun sens pour moi et pour des millions d’autres femmes en Afghanistan », estime Manizha.
Malgré les risques – sa petite troupe a dû changer de lieu d’entraînement après avoir été menacée – elle tient à poursuivre sa passion. Beaucoup de femmes ont été des pionnières en Afghanistan et Manizha se voit comme l’une d’elles.
« Auparavant, nous n’avions pas de femmes policières. Maintenant vous en voyez partout », confie-t-elle, vêtue d’un tee-shirt, d’une casquette et de leggings noirs, une tenue qui horripilerait les talibans.
« J’ai pris le risque de devenir une cible. La peur est présente dans mon coeur, mais je n’abandonnerai pas (…) Désormais, même si les talibans viennent, je continuerai le breakdance », promet-elle.
Sur les berges d’une rivière traversant la ville de Jalalabad (Est), Mohammad Salem et ses amis sont rassemblés autour d’une chicha, un vieux passe-temps redevenu à la mode dans plusieurs endroits du monde.
« Fumer la chicha, c’est très normal en ce moment en Afghanistan », confie Mohammad, en tirant d’un narguilé bouillonnant des bouffées de tabac parfumé aux fruits.
Les talibans y voient un produit stupéfiant, interdit par l’islam. Depuis la chute des talibans, les bars à chicha se sont multipliés dans le pays. Ils servent du thé au safran à leurs clients fumant le narguilé.
Propriétaire d’un de ces bars, Bakhtya Ahmad pense que la chicha est un bon moyen de garder les jeunes hors des rues ou hors de portée de la drogue.
« Il y a la paix ici. Nous servons la chicha et jouons de la musique dans le café », observe Bakhtya. « Si les talibans reviennent avec leurs vieilles idées, alors ils nous en empêcheront. »
Ses clients sont du même avis. « On ne pourra plus aller pique-niquer ou fumer la chicha au bord d’une rivière comme aujourd’hui », regrette Mohammad.
Le salon de coiffure de Mohammad Ghaderi, dans la ville d’Hérat (Ouest), tourne à plein. Les jeunes hommes viennent pour un rasage ou une coiffure à la mode qui rappellera leurs acteurs préférés de Bollywood ou d’Hollywood.
« L’Afghanistan est entré dans un nouveau monde », clame Mohammad, coiffeur depuis près de dix ans, « il y a plus de coiffeurs maintenant, plus de jeunes gens qui se mettent à la mode (…) Le gouvernement n’y est pas opposé de la manière dont les talibans l’étaient ».
Si dans les campagnes, les hommes s’en tiennent à un style islamique classique – une barbe plus longue que le poing d’un homme et remontant jusqu’aux cheveux -, les citadins se laissent tenter par les dernières modes.
Mais Mohammad et ses clients redoutent que tout cela ne prenne fin si les talibans reviennent au pouvoir. « Nous craignons que si les talibans entrent dans la ville et le marché, ils pourraient bien être les mêmes qu’il y a 20 ans », dit-il.
« Une nouvelle fois, les femmes devront porter la burqa et les jeunes hommes ne seront pas libres de faire ce qu’ils veulent », acquiesce Sanaullah Amin, l’un de ses habitués.
afp
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