Les pharmacies au Liban ont lancé vendredi une grève très suivie, tandis que deux grandes centrales électriques sont à l’arrêt pour cause de pénuries de carburant, qui perturbent également le réseau de distribution d’eau, nouvelles illustrations d’un effondrement généralisé et sans fin.
Dans un pays paralysé par les querelles politiciennes des grands partis qui n’arrivent pas depuis 11 mois à former un nouveau gouvernement ni à lancer des réformes économiques cruciales, la livre libanaise poursuit sa dépréciation, frôlant vendredi le nouveau record de 19.500 livres pour un dollar au marché noir. Un contexte qui fait craindre une implosion sociale, tandis que le Liban à court de devises étrangères cherche à revoir son système de subventions qui permettait de juguler le prix des importations. Et c’est désormais le secteur de la santé qui est sous le feu des projecteurs.
Ainsi, les importations de médicaments sont quasiment à l’arrêt depuis plus d’un mois, en raison de l’absence de nouvelles lignes de crédit autorisées par la Banque du Liban (BDL) et des impayés aux fournisseurs étrangers. Dans les pharmacies, il est pratiquement impossible de trouver de simples analgésiques, des préparations pour bébés, mais aussi des traitements pour maladies chroniques.
Une association de pharmaciens avait annoncé jeudi une grève générale dans tout le Liban. « Près de 80 % des pharmacies ont respecté la grève à Beyrouth et dans les grandes villes », contre 50 % dans les campagnes, a précisé vendredi un responsable de l’association, Ali Safa.
Tout le long de la côte au nord de Beyrouth, zone densément urbanisée, les pharmacies étaient fermées, a constaté un photographe de l’AFP. Tout comme un grand nombre d’établissements à Beyrouth et dans sa banlieue.
Depuis des mois, les internautes recherchent des médicaments sur les réseaux sociaux. Les voyageurs arrivent de l’étranger avec dans leurs valises des médicaments demandés par la famille et les amis.
Elie, 48 ans, a passé quatre heures dans les pharmacies à la recherche d’un médicament pour traiter sa trop grande concentration d’acide urique dans le sang.
« A chaque fois on me répète la même réponse, +on n’en a pas, on n’a pas été livré+ », déplore-t-il. Dimanche, le syndicat des importateurs de médicaments a tiré la sonnette d’alarme sur des ruptures de stock touchant des « centaines » de produits.
Avec la dépréciation synonyme d’une hausse des prix, la Banque du Liban fournit en principe des dollars aux importateurs à un taux bien plus avantageux que celui du marché noir.
Mais le rationnement des devises complique les procédures d’importations, et la BDL réclame depuis des mois au ministère de la Santé une liste de médicaments prioritaires à continuer à financer.
« Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est que le ministère de la Santé signe les listes de médicaments prioritaires. Les entreprises commenceront alors à fournir les médicaments » aux pharmacies, soit en fonction du prix du marché, ou du prix subventionné, plaide M. Safa.
Selon des responsables du secteur, la BDL va allouer 50 millions de dollars par mois aux médicaments, soit la moitié de la facture mensuelle actuelle des importations.
Dans un pays englué dans une des pires crises économiques au monde depuis 1850, selon la Banque mondiale, plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Dernier coup dur, la suppression fin juin d’une partie des subventions allouées au carburant, dont le prix à la pompe a augmenté de 55 % en une dizaine de jours.
Une hausse qui n’a pas résolu les pénuries. Tous les jours, les automobilistes stationnent des heures durant devant les stations-services, les files d’attente se formant avant même l’aube.
Le manque de carburant touche aussi la production électrique et les délestages atteignent jusqu’à 22 heures par jour.
Electricité du Liban a annoncé vendredi « la mise à l’arrêt des centrales électriques de Zahrani et de Deir Ammar, en raison notamment de l’épuisement du stock » de carburant.
Et la compagnie des Eaux a elle annoncé « des rationnements dans la distribution de l’eau » dans le nord et le sud, citant les délestages électriques et l’épuisement des stocks de carburant.
Le pays a connu à l’automne 2019 un soulèvement inédit dénonçant une classe politique accusée de corruption et d’incompétence, dominée depuis des décennies par les mêmes responsables et les mêmes familles.
afp
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