La moitié de la population mondiale est d’ores et déjà « très vulnérable » aux impacts cruels et croissants du changement climatique, et l’inaction « criminelle » des dirigeants risque de réduire les faibles chances d’un « avenir vivable » sur la planète, s’alarme l’ONU.
Le nouvel opus des experts climat de l’ONU (Giec) publié lundi est sans appel: les conséquences du réchauffement provoqué par les activités humaines ne se conjuguent pas seulement au futur.
Sécheresses, inondations, canicules, incendies, insécurité alimentaire, pénuries d’eau, maladies, montée des eaux… De 3,3 à 3,6 milliards de personnes sont déjà « très vulnérables », souligne le « résumé pour les décideurs » négocié ligne par ligne par les 195 Etats membres lors de cette session en ligne et à huis clos qui a débordé de plus de 24 heures les deux semaines prévues.
Et ce n’est qu’un début. Si le monde ne se décide pas très vite à réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, il devra faire face à un déluge d’impacts inévitables et « parfois irréversibles » dans les décennies qui viennent.
Alors que la planète a gagné en moyenne environ +1,1°C depuis l’ère pré-industrielle, le monde s’est engagé en 2015 avec l’accord de Paris à limiter le réchauffement bien en deçà de +2°C, si possible +1,5°C.
Dans le premier volet de son évaluation publiée en août dernier, le Giec estimait que le mercure atteindrait ce seuil de +1,5°C autour de 2030, soit dix ans plus tôt qu’escompté. Il laissait toutefois une porte ouverte, évoquant un retour possible sous +1,5°C d’ici la fin du siècle en cas de dépassement.
Mais le deuxième volet publié lundi — avant un troisième début avril sur les solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre — souligne que même un dépassement temporaire de +1,5°C provoquerait de nouveaux dommages « irréversibles » sur les écosystèmes fragiles comme les pôles, les montagnes et les côtes, avec des effets en cascade sur les communautés qui y vivent.
Et les conséquences désastreuses vont augmenter avec « chaque fraction supplémentaire de réchauffement », de la multiplication des incendies au dégel du pergélisol.
Le rapport prédit également la disparition de 3 à 14% des espèces terrestres même à +1,5°C, et qu’à l’horizon 2050, environ un milliard de personnes vivront dans des zones côtières à risque, situées dans de grandes villes côtières ou de petites îles.
Alors « l’adaptation est cruciale pour notre survie », a réagi dans un communiqué le Premier ministre d’Antigua et Barbuda Gaston Browne qui préside l’Alliance des petits Etats insulaires (AOSIS), appelant les pays développés à respecter leur engagement d’augmenter l’aide climatique aux pays pauvres, en particulier pour leur permettre de se préparer aux catastrophes qui s’annoncent.
Le rapport constate que malgré quelques progrès, les efforts d’adaptation sont pour la majorité « fragmentés, à petite échelle » et que sans changement de stratégie, cet écart entre les besoins et ce qu’il faudrait risque de s’accentuer.
Mais à un certain point, s’adapter n’est plus possible. Certains écosystèmes sont déjà poussés « au delà de leur capacité à s’adapter » et d’autres les rejoindront si le réchauffement se poursuit, prévient le Giec, soulignant ainsi qu’adaptation et réduction des émissions de CO2 doivent aller de pair.
Au contraire, « si on s’en tient aux engagements actuels, les émissions devraient augmenter de près de 14 % au cours de cette décennie. Ce serait une catastrophe. Toute chance de maintenir l’objectif de 1,5°C en vie serait anéantie », a dénoncé Antonio Guterres, désignant comme « coupables » les grands pays émetteurs « qui mettent le feu à la seule maison que nous ayons ».
« Cette abdication de leadership est criminelle ».
Malgré le constat cataclysmique, plusieurs Etats, notamment Chine, Inde et Arabie saoudite ont tenté pendant les négociations de faire retirer des références à l’objectif de +1,5°C, ont indiqué à l’AFP plusieurs sources participant aux discussions.
« N’oublions pas une chose: nous sommes dans le même canoé », a commenté l’ancien Premier ministre de Tuvalu Enele Sopoaga. « Soit nous lui permettons de flotter, soit nous le laissons couler et nous nous noyons tous ».
AFP.
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