Face à la colère sociale qui gronde depuis un mois en Colombie, le président Ivan Duque a ordonné vendredi le déploiement de l’armée dans les rues de Cali, épicentre de manifestations qui ont encore fait au moins dix morts dans la journée.
« A partir de cette nuit commence le déploiement maximal de l’assistance militaire à la police nationale dans la ville de Cali », a annoncé le président dans cette ville de 2,2 millions d’habitants, la troisième du pays, où il a présidé un conseil de sécurité.
De nouvelles manifestations ont fait au moins dix morts vendredi dans la ville, selon le responsable de la sécurité à Cali, Carlos Rojas. Parmi eux, un enquêteur du parquet de Cali qui a tiré sur la foule, tuant deux civils, avant d’être lynché par les manifestants, selon le parquet.
Ces violences interviennent un mois exactement après le soulèvement du 28 avril contre un projet de réforme fiscale, vite abandonné, porté par le président de droite Ivan Duque, qui visait à augmenter la TVA et à élargir la base de l’impôt sur le revenu.
En un mois de soulèvement populaire, au moins 56 morts, dont deux policiers, ont été enregistrés dans le pays, selon un décompte officiel. Quelque 2.000 personnes ont été blessées et 123 sont portées disparues. Human Rights Watch évoque jusqu’à 63 morts.
« La situation à Cali est très grave », a tweeté José Miguel Vivanco, directeur pour les Amériques de Human Rights Watch, qui a exhorté le président Duque à prendre « des mesures urgentes de désescalade, dont un ordre spécifique pour interdire l’usage d’armes à feu par les agents de l’Etat ».
Depuis un mois, le scénario est presque toujours le même: le jour, les manifestations sont pacifiques et hyper-créatives, la nuit la rébellion se transforme en émeutes où mortiers d’artifice et cocktails Molotov se mélangent aux tirs à balles réelles.
Cette révolte sans précédent secoue les grandes villes, où sont érigées des barricades et des blocages d’axes routiers qui provoquent des pénuries et exaspèrent une partie de la population. Le gouvernement, malgré des médiateurs chargés de négocier avec le Comité national de grève, est incapable de désactiver une crise qui, pour l’instant, ne menace pas de le renverser.
Cette crise soudaine a surtout révélé, selon les analystes, la sourde colère d’une jeunesse politisée, appauvrie par la pandémie, qui ne veut plus se taire.
Pendant un demi-siècle, le conflit avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) a occulté une réalité devenue trop criante: selon la Banque mondiale, la Colombie se classe parmi les pays les plus inégalitaires en termes de revenus et possède le marché du travail le plus informel d’Amérique latine.
L’Etat s’est concentré dans sa lutte contre les guérillas –perdure celle contre l’ELN et les dissidents des Farc– et a totalement délaissé la demande sociale.
En 2019, un an après l’élection d’Ivan Duque, les étudiants étaient descendus dans la rue pour réclamer un meilleur enseignement public, gratuit, des emplois, un Etat et une société plus solidaires.
La pandémie a éteint la mobilisation en 2020 sans que le chef de l’Etat de 42 ans ne fasse de trop grandes concessions.
Le retour de bâton est d’autant plus fort, avec une pauvreté qui s’est accélérée pour atteindre 42,5 % des 50 millions d’habitants, la pandémie plongeant les plus vulnérables dans l’indigence.
L’accord de paix de 2016, qui a désarmé ce qui était autrefois la guérilla la plus puissante du continent américain, a mis fin à un conflit dépassé, loin de la nouvelle génération citadine « qui découvre la politique », explique l’universitaire Hernando Gomez Buendia, auteur du livre « Entre l’indépendance et la pandémie ».
Alors qu’un tiers des jeunes âgés de 14 à 28 ans ne travaillent ni n’étudient, « la Colombie est en train de devenir », selon lui, « un pays de conflits urbains ».
« Il existe un pan actif de la société qui a longtemps été exclu de la politique, du monde du travail et maintenant du système éducatif, et qui en a assez d’être exclu. C’est celui qui manifeste aujourd’hui dans les rues », explique Sandra Borda.
Contrairement aux bouleversements sociaux au Chili, où le soulèvement social a conduit à une réforme constitutionnelle, ou en Equateur, qui vient d’organiser des élections, les Colombiens n’ont pas encore eu de « soupape » pour évacuer leurs nombreuses frustrations, estime Cynthia Arson, directrice du programme latino-américain du Woodrow Wilson International Center for Scholars.
L’impopularité d’Ivan Duque, qui doit quitter ses fonctions en 2022, semble jouer en faveur de la gauche, qui n’a jamais présidé le pays. L’ancien maire de Bogota et ex-guérillero Gustavo Petro est aujourd’hui en tête dans les sondages.
afp
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