Au lendemain du retour de l’ex-président Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire fêté dans la liesse par ses partisans, mais marqué par des tensions, la « réconciliation nationale » est à l’ordre du jour dans ce pays encore meurtri par deux décennies de violences politiques et ethniques.
Le retour de Laurent Gbagbo après dix ans ans d’absence, à la suite de son acquittement de crimes contre l’humanité par la justice internationale et du feu vert donné par son rival le président Alassane Ouattara, faisait sans surprise la Une de toute la presse ivoirienne vendredi, y compris gouvernementale.
Fraternité Matin, quotidien pro-gouvernemental, reprend pour son titre de Une les premiers mots de l’ex-président à son arrivée: « Je suis heureux de retrouver la Côte d’Ivoire et l’Afrique ». Les journaux d’opposition, Le nouveau réveil et Le Temps, titrent respectivement: « Gbagbo, un retour triomphal » et « Le grand retour du président Gbagbo ».
Des milliers de partisans enthousiastes et survoltés de l’ancien président l’ont acclamé tout au long du parcours d’une dizaine de kilomètres du Sud au Nord d’Abidjan. Ce n’était pas un raz-de-marée de millions de personnes, mais une manifestation significative de la popularité intacte de Laurent Gbagbo dans son camp.
La journée de son retour a cependant été marquée par de nombreux incidents, les forces de l’ordre ayant reçu pour consigne de disperser tous ceux qui souhaitaient se rendre à l’aéroport – dont l’accès avait été bloqué sauf exception – pour l’accueillir en grand nombre. Les policiers ont fait un usage massif de gaz lacrymogènes.
Le Front populaire ivoirien (FPI), le parti de Laurent Gbagbo, a affirmé qu’une quarantaine de ses partisans avaient été arrêtés, ce qui n’a pas été confirmé de source officielle, pas plus que d’éventuels blessés lors de cette journée mouvementée.
« Mais ces incidents regrettables, qui, à notre connaissance, n’ont pas entraîné de pertes en vies humaines, ni même de dégâts matériels majeurs, ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt », écrit l’écrivain et journaliste pro-Ouattara, Venance Konan, dans Fraternité Matin.
Tonalité similaire dans le camp de Laurent Gbagbo. Ces incidents « sont déjà du passé », a déclaré à l’AFP son porte-parole, Justin Katinan Koné, ajoutant: « Nous sommes déterminés à aller à la réconciliation nationale contre vents et marées ».
Une rencontre entre MM. Gbagbo et Ouattara qui ne sont pas parlés depuis plus de 10 ans n’est pas encore programmée, mais elle est « envisageable », selon M. Katinan Koné. Pour l’instant, l’ex-président doit « se reposer », selon lui.
Les quelques mots prononcés jeudi soir par M. Gbagbo aux membres de la direction de son parti, ont été pour les remercier de leur soutien et les féliciter pour les « bons résultats » du FPI aux dernières élections législatives de mars. Il a dit qu’il restait « un soldat » du parti et qu’il parlerait de sa vision de l’avenir politique « plus tard ».
Laurent Gbagbo, au pouvoir depuis 2000, avait été arrêté en avril 2011 à Abidjan, puis transféré fin novembre de la même année à la Cour pénale internationale (CPI) pour les violences commises à la suite de la présidentielle de fin 2010.
Le refus de M. Gbagbo de reconnaître sa défaite face à Alassane Ouattara, avait provoqué une crise post-électorale sanglante ayant fait 3.000 morts.
Depuis 2000, l’histoire de la Côte d’Ivoire a été jalonnée de violences politico-ethniques, les dernières remontant à la présidentielle d’octobre 2020 qui ont fait une centaine de morts.
Alassane Ouattara a été réélu pour un 3e mandat controversé lors d’un scrutin boycotté par l’opposition qui jugeait ce nouveau mandat anticonstitutionnel.
Mais depuis plusieurs mois, le climat s’est apaisé: l’opposition a participé aux législatives de mars – dont le FPI qui boycottait tous les scrutins depuis dix ans – des exilés pro-Gbagbo sont rentrés et des opposants arrêtés au moment de la dernière présidentielle libérés.
Dans le même temps, la menace jihadiste venue des pays sahéliens se fait plus pressante: des attaques contre l’armée ont récemment causé la mort de quatre militaires dans le Nord, à la frontière avec le Burkina Faso.
afp
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