La mort de George Floyd a mis en lumière les problèmes récurrents du pays avec sa police. Certains plaident même pour que l’on « rogne » son budget.
La vidéo était pourtant sans appel. On y voit Daniel Pantaleo, un policier new-yorkais, enserrer avec son bras le cou d’Eric Garner, un vendeur de cigarettes à la sauvette. Une prise dangereuse visant à l’immobiliser au sol. Ce Noir de 43 ans, père de six enfants, perd connaissance et meurt peu après. Nous sommes en 2014 et son cri répété onze fois « je ne peux pas respirer » va devenir le slogan du mouvement Black Life Matters. Mais les jurés refusent d’inculper Daniel Pantaleo, qui reste en fonction. Ce n’est que cinq ans plus tard qu’il est finalement limogé par le responsable de la police de New York, au terme d’une longue enquête interne. Ça n’empêche pas son syndicat de le défendre, clamant qu’il « n’aurait jamais dû être viré » et que la ville s’est aplatie devant « les extrémistes anti-police ». La mort de George Floyd, dans les mêmes circonstances, a rappelé que le pays avait un problème avec sa police.
Les policiers sont quasi intouchables aux États-Unis. Les hommes politiques les craignent, les jurés dans les procès ont en général un a priori favorable envers eux et la loi les protège. En mars, des policiers en civil ont défoncé en pleine nuit la porte de l’appartement de Breonna Taylor, une Afro-Américaine de 26 ans, employée aux urgences d’un hôpital du Kentucky. Ils cherchaient de la drogue. Après une confrontation avec son petit ami qui, croyant à des cambrioleurs, a sorti une arme, les policiers ont tiré huit fois, tuant la jeune femme. Aucune drogue n’a été trouvée. Sa mère a intenté un procès, mais elle a peu de chances de gagner, à cause de la qualifiedimmunity, qui rend très difficiles les poursuites contre les policiers. Selon Sonia Sotomayor, la juge de la Cour suprême, c’est devenu « un bouclier absolu » derrière lequel s’abritent les policiers. Et plusieurs actions en justice sont en cours pour la supprimer. Quant aux procès, si 98 policiers ont été arrêtés en connexion avec une fusillade meurtrière entre 2013 et 2019, trois seulement ont été condamnés.
1 881 policiers limogés en 10 ans
Il y a également le poids des syndicats. « Dans beaucoup d’endroits, le patron du syndicat est bien plus important et influent que le chef de la police », estime Rashawn Ray, chercheur à la Brookings Institution. « Il fait tout pour bloquer les législations qui obligent les policiers à répondre de leurs actes. » Minneapolis est l’exemple modèle. Le président du syndicat, Bob Kroll, qui a fait l’objet lui-même de 29 plaintes dans sa carrière, résiste depuis des années à tous les efforts de réformes – le port de caméra, la formation à la gestion de conflit… Quand le maire a interdit les entraînements façon « guerriers » qui enseignent la confrontation violente, Kroll, furieux, a annoncé que le syndicat continuerait à les offrir gratuitement. Après la mort de George Floyd, il a écrit une lettre à ses membres le décrivant comme un « violent terroriste » et qualifiant les manifestations de « mouvement terroriste ». Et il a déjà annoncé qu’il allait tout faire pour défendre les quatre policiers impliqués.
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