La route vers la reconnaissance fut longue, mais le résultat en valait le détour. Si le succès européen tant mérité de Chelsea a récompensé la solidité et la fluidité du collectif des Blues, il a aussi magnifié la revanche de Thomas Tuchel, et même Thiago Silva, sur leur ancien club, le Paris Saint-Germain. Il a aussi permis d’élever son gardien de but, Édouard Mendy, au niveau des tout meilleurs gardiens de but de la planète. Une juste distinction qui récompense le talent, la patience et la détermination d’un joueur à qui rien n’a jamais été donné. Cela fait de Mendy un modèle pour tout jeune aspirant footballeur professionnel. Par son parcours, Mendy a prouvé qu’à force de persévérance, il est possible de faire sauter les limites. Grand contributeur de la belle saison des Blues, le gardien international sénégalais a ainsi consolidé une ascension express dans le haut niveau du milieu professionnel. À 29 ans, Édouard Mendy a la fraîcheur d’un débutant de haute volée.
Né à Montvilliers, dans la région du Havre, le 1er mars 1992, Édouard Mendy a fait son initiation au football dans le club local du Havre Caucriauville, entre 1999 et 2005. Repéré par le Havre Athletic Club (HAC), il intègre alors le centre de formation, et ce, bien avant Benjamin ou Ferland Mendy. Il a l’ambition de se former dans le club de sa ville pour devenir footballeur professionnel. Malheureusement, les choses ne vont pas se passer comme prévu. Son parcours dans le grand club de la région ne va durer qu’une saison. Non conservé par le HAC qui envisage de miser sur d’autres gardiens, il digère sa déception et va compléter sa formation au CSSM du Havre, club partenaire du HAC. Cela durera cinq ans, de 2006 à 2011.
C’est le moment où, à 19 ans, il rejoint le club de Cherbourg qui évolue alors en national. Il y poursuit sa formation avec comme objectif de rejoindre l’équipe des séniors professionnels. Arrivé comme troisième gardien de but, il assiste du banc de touche à la descente de son équipe en CFA. Il faudra attendre la saison 2013-14 pour qu’il assure une place de titulaire dans l’équipe. Bis repetita : son club est à nouveau relégué. Cette fois-ci en CFA2 avant une relégation administrative en division d’honneur pour raisons financières. Et le club a même frôlé une descente en DSR (7e division). Voilà qui va placer le gardien franco-sénégalais dans l’incertitude la plus totale quant à l’orientation que doit prendre la suite de sa carrière. Désormais chômeur alors que sa compagne attend leur premier enfant, il joue quelques matchs en division d’honneur et se retire définitivement du club au cours de la saison 2014-15.
Alors qu’il pointe à Pôle emploi, un appel inattendu vient modifier la donne pour Édouard Mendy. L’Olympique de Marseille, à la recherche d’un gardien de but pour l’équipe de réserve le met à l’essai. « Je venais de refuser un club de CFA qui me proposait de signer pour 900 euros alors que j’allais bientôt être père de famille. C’était inconcevable. Un ami, qui avait une boutique, cherchait quelqu’un pour la gérer, J’étais prêt à accepter mais Ted Lavie [ancien international français en petites catégories, qu’il a côtoyé à Cherbourg, NDLR] m’a appelé et m’a dit : Édou, j’ai parlé avec l’entraîneur des gardiens de la réserve de l’OM [Dominique Bernatowicz, NDLR]. Il cherche quelqu’un. Tu es intéressé ? […] Personne d’autre que mes parents n’a su que j’y allais », a expliqué le gardien de Chelsea lors d’une interview donnée à France Football. C’était, l,à à la fois un coup du destin inattendu et une opportunité à ne pas laisser passer. Convaincu par les qualités et le potentiel de Mendy, l’OM va valider son essai. Cela va lui permettre de finir la saison comme titulaire avec la réserve. Alors qu’il n’a joué que huit matchs, l’OM lui propose un contrat de deux ans. Seulement, déjà âgé de 23 ans et soucieux d’avoir du temps de jeu de façon continue à ce stade de sa carrière, il décline l’offre. Explication : le Stade de Reims, alors en deuxième division, qui a bâti un projet de remontée, l’a également sollicité avec une proposition plus intéressante. Il accepte donc.
La carrière professionnelle d’Édouard Mendy peut enfin réellement commencer. À 24 ans, il fait partie des talents révélés sur le tard après avoir connu un parcours peu conventionnel en petites catégories, à l’image de joueurs comme Franck Ribéry, Mathieu Valbuena ou encore N’Golo Kanté et Riyad Mahrez.
Recruté en tant que doublure de Johan Carrasso (10 matchs joués toutes compétitions confondues), il conquiert sa titularisation dans sa deuxième saison. L’impact de son entrée dans l’équipe type couplée à un bon mercato va beaucoup impacter l’équipe. Édouard Mendy va ainsi être un acteur important du retour du Stade de Reims en première division. Le club champenois devient champion de deuxième division avec la meilleure défense (24 buts encaissés).
Le retour de Reims en première division s’inscrit dans la continuité de la saison précédente. Pour Mendy, c’est une véritable révélation au plus haut niveau. Le club phare du football français des années 1950 finira à une très convaincante huitième place, ce qui est vraiment appréciable pour une équipe récemment promue. Mendy se verra nommé pour le trophée UNFP de meilleur gardien de la saison.
Entre-temps, la question de son avenir dans une équipe nationale est posée et une décision doit être prise. Si Mendy a toujours rêvé de jouer pour l’équipe nationale du Sénégal, les Lions de la Téranga ont failli le perdre au détriment de la Guinée-Bissau, le pays d’origine de son père, sa mère étant, elle, sénégalaise. Après plusieurs sollicitations, il finit par accepter de se rendre à un regroupement des Djurtus, les internationaux bissau-guinéens, notamment pour faire plaisir à son père, malade. L’expérience n’aura pas été satisfaisante pour Mendy. Non seulement il ne se sentait pas à sa place mais le match prévu a été annulé.
Avec aucune sélection au compteur de la Guinée-Bissau, il a donc pu conserver son éligibilité pour le Sénégal qui ne s’est pas privé de le convoquer pour la première fois en septembre 2018.
Avec le recul, le Sénégal ne peut que regretter de ne pas l’avoir convoqué pour la Coupe du monde 2018. Il aurait certainement pu lui apporter un plus dans les cages. Depuis, il réalise un quasi sans-faute avec les Lions de la Téranga et fait désormais partie des cadres incontournables de la Tanière aux côtés des Sadio Mané, Kalidou Koulibaly et autres Idrissa Gana Gueye, malgré la belle concurrence que représente Alfred Mendy, son successeur au Stade rennais, le même qui l’a supplée après sa blessure durant la CAN 2019 où le Sénégal a joué la finale contre l’Algérie.
Son excellente première saison en Ligue 1 lui a alors ouvert les portes d’un club évoluant à un niveau supérieur, en l’occurrence le Stade rennais tout juste vainqueur de la Coupe de France et qualifié en Europa Ligue.
Si le club breton devait gérer les départs, entre autres de Hatem Ben Arfa, parti libre, ainsi que de son coéquipier en sélection nationale, Ismaila Sarr parti du côté de Watford pour un montant record de 35 millions d’euros, Rennes va malgré tout finir la saison (interrompue en raison de la pandémie) à la troisième place, synonyme de qualification pour la Ligue des champions, une première dans l’histoire du club, avec la seconde meilleure défense du championnat (24 buts encaissés) derrière… le Stade de Reims.
Ses performances dans le haut niveau suivent une trajectoire ascendante et son profil est activement étudié par un certain Christophe Lollichon, entraîneur des gardiens… des Blues de Chelsea. « Reims a vraiment fait une excellente pioche avec lui. Il a atteint la maturité, avec un parcours assez inhabituel, et c’est d’autant plus méritoire. Édouard Mendy est aujourd’hui, pour moi, le meilleur gardien du championnat de France. C’est ce que j’appelle un gardien proactif et très influent. Reims a vraiment fait un excellent travail avec lui. Peut-être qu’à l’OM, ils n’ont pas pu déceler le talent qu’il avait en lui, mais ce n’était peut-être pas le bon moment aussi. En tout cas, c’est un grand gardien que nous suivons forcément en Premier League », a-t-il dit dans les colonnes du Phocéen, ajoutant : « Quand on fait près de 2 mètres [1,97 m, NDLR] avec un tel jeu au sol, un tel placement et une telle prise d’initiative que lui, si les recruteurs ne le regardent pas, c’est parce qu’ils doivent changer de métier (rires). En plus, je sais qu’il est un très bon gars. Si une grosse équipe française parvient à le recruter, chapeau ! Parce qu’il y aura sûrement du monde dessus. »
Il est vrai que l’Olympique de Marseille, qui a avait eu l’avantage de bien le connaître à la suite de son passage express, a certainement manqué l’opportunité de le racheter au regard de l’impact qu’il a eu sur le Stade de Reims. Faut-il le rappeler ? Pour l’avoir dans son effectif, le Stade rennais n’a sorti « que » 4 millions d’euros, un montant tout à fait abordable pour les grands clubs français.
Autant dire que son recrutement par Chelsea est tout sauf une surprise au vu de son crédit auprès de l’entraîneur des gardiens des Blues, le Français Christophe Lollichon, qui le considérait déjà comme le meilleur gardien du championnat de France en 2019, mais aussi auprès de Petr Cech devenu conseiller technique du club et grand admirateur du gardien de but sénégalais. Et comme par hasard, lui aussi ancien portier du Stade rennais.
Pour Chelsea, ce recrutement s’inscrit totalement dans la culture bâtie par les Blues depuis le début de l’ère Abrahamovitch : un gardien à grande taille, grande envergure au sein d’une organisation défensive qui en fait une pièce maîtresse, à l’image de Petr Cech que l’on peut considérer comme le benchmark en termes de profil de gardien de but. On peut dire qu’Édouard Mendy est réellement taillé pour le football anglais et l’identité footballistique du club londonien en particulier. Son impact immédiat a contrasté très largement avec les difficultés du gardien international espagnol Kepa, pourtant acheté une saison plus tôt contre le montant astronomique de 80 millions d’euros, soit le montant de sa clause libératoire sous le maillot de l’Athletic Bilbao.
Force est de constater que, à la suite de cette saison 2020-21 qui n’a fait que confirmer son ascension fulgurante, Mendy s’est désormais fait une place parmi les meilleurs gardiens de la planète et s’affirme comme un candidat très sérieux au trophée UEFA du meilleur gardien de but évoluant en Europe.Quid de son statut sur la scène africaine ? 2021 pourrait être l’année de sa consécration individuelle étant donné qu’aucun concurrent potentiel n’a une telle emprise sur les performances de son équipe. L’international algérien Riyad Mahrez, auteur de sa meilleure saison à Manchester City pouvait faire office de grand favori avec une meilleure fin de saison des Citizen, champions d’Angleterre et également en lice pour remporter la FA Cup et, donc, la finale européenne. Seulement, s’il a réalisé sa meilleure saison avec le deuxième club de Manchester, son influence n’aura peut-être pas été aussi prépondérante au sein du collectif de Pep Guardiola que celle de l’international sénégalais dans le dispositif des Blues.
Les deux lauréats sortants, son compatriote Sadio Mané et l’Égyptien Mohamed Salah, ont montré des signes de fatigue, voire peut-être de fin de cycle, avec les Reds de Liverpool qui ont connu une saison compliquée à gérer, sans autre trophée que la Coupe du monde des clubs. Étant donné la gestion habituelle de l’effectif de Klopp qui mise sur un groupe réduit dans une saison où le calendrier exige probablement plus de rotations, l’accumulation des blessures a probablement impacté négativement les performances du duo Mané-Salah.
De plus, le fait de voir un gardien de but africain à ce niveau lui donne un atout supplémentaire de taille au-delà du titre de meilleur gardien où son couronnement à venir ne fait aucun doute. En quelques chiffres, Édouard Mendy, cette saison, ce sont 25 clean sheets en 44 matchs, un record depuis 2008 (Petr Cech en a réalisé 26), dont 9 réalisés en Ligue des champions pour seulement 3 buts encaissés, un record autre pour les Blues qui était de 5 auparavant (réalisé à trois reprises par Petr Cech). Si on y ajoute une sérénité dans ses interventions, un jeu au pied de qualité et une présence l’ayant rendu incontournable dès ses premières sorties, l’impression laissée par Mendy est très proche de faire l’unanimité. Il s’agit bien d’une performance de haut niveau pour une première saison dans un club de classe mondiale et pour une saison d’adaptation au football anglais. Même s’il est vrai qu’un gardien est souvent dans son pic à partir de 27-28 ans. Raison pour laquelle, couronner Édouard Mendy au titre de meilleur joueur africain de l’année est une sérieuse possibilité à envisager. Si cela se confirmait, il serait le troisième gardien de but à remporter cette distinction après le Camerounais Thomas Nkono (1979 et 1982) et le Marocain Badou Zaki (1986), mais le premier sous le format de la Confédération africaine de football (CAF), France Football ayant été à l’origine de la distinction de 1970 à 1994.
Dans le sillage de la venue de Tuchel à la mi-saison, les perspectives sont d’ores et déjà très prometteuses pour le gardien des Blues. Mendy a l’opportunité de se bâtir un palmarès à la hauteur de son talent, notamment sur la scène anglaise où Chelsea a l’ambition de redevenir l’équipe phare du football anglais de façon plus durable que lors du deuxième passage de José Mourinho ou celui d’Antonio Conte. Des défis importants attendent également Édouard Mendy en équipe nationale où le Sénégal est toujours en quête d’un titre continental et d’une nouvelle opportunité pour jouer la Coupe du monde à laquelle Mendy aura sans aucun doute à cœur de participer et de faire oublier son absence à la Coupe du monde de 2018.
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