Dans les ruines d’une maison au fin fond de la Serbie, Seror fait revenir les tomates et oignons du déjeuner. Au delà du repas, cette mère de famille irakienne essaye de donner aux siens l’illusion de la normalité. La famille Alhayani figure parmi les centaines de migrants qui ont trouvé refuge dans des maisons abandonnées dans le nord de ce pays des Balkans, tout près de la frontière avec la Hongrie et la Roumanie.
La plupart des habitants de hameaux pauvres comme Majdan sont eux-même partis il y a des décennies, pour la ville ou l’étranger, à la recherche d’une vie meilleure. Aujourd’hui, leurs maisons offrent une maigre protection à d’autres voyageurs, venus du Proche-Orient, d’Asie ou encore d’Afrique, dont le nombre a rapidement augmenté ces deux dernières années.
Les Alhayani, la mère, le père et leurs quatre enfants, dorment à même le sol, dans la crainte que le toit ne s’effondre.
« Bien sûr, ce n’est pas la maison de nos rêves mais que pouvons nous faire », dit l’une de leurs filles, qui à 16 ans, est la seule à avoir appris l’anglais durant le périple de la famille.
« On doit rester ici pour réaliser nos rêves à l’avenir ».
La famille a fui l’Irak voici trois ans. Après deux années passés dans un camp en Grèce, elle a tenté vainement de gagner la Croatie, membre de l’Union européenne, via la Bosnie.
Cela fait un mois qu’ils se sont repliés à Majdan, essayant tous les jours de rentrer en Roumanie, sans succès pour l’instant. Cela représente un détour il leur faudra de toute façon rentrer ensuite en Hongrie, porte d’accès à l’espace Schengen.
Mais la route est considérée comme plus facile à négocier.
C’est aussi « la route du pauvre », explique un groupe de Syriens entassés dans une pièce minuscule, se préparant à un nouveau « game », le nom donné par les migrants à leurs tentatives de passage. « Si j’avais 5.000 ou 6.000 euros, je paierais (un passeur) pour aller directement de Serbie en Hongrie », dit à l’AFP un Syrien de 30 ans, qui ne veut pas donner son nom.
La police roumaine a recensé plus de 45.000 tentatives pour « franchir illégalement la frontière » l’année dernière, quatre fois plus qu’en 2019. Près de 80 % des migrants se sont vu refuser l’entrée, selon la même source. A l’instar des polices hongroise et croate qui sont accusées de brutalités qu’elles démentent, les forces de l’ordre roumaines sont aussi taxées de violences.
« La police roumaine m’a cassé la jambe à deux reprises, et la main une fois », affirme l’un des Syriens qui explique avoir été avocat dans son pays d’origine. « Des gens sont bons, d’autres sont mauvais. »
D’après Ljubimka Mitrovic, de l’agence pour les réfugiés de l’ONU, plus de 25.000 migrants racontent avoir été refoulés de Roumanie en Serbie l’année dernière, soit deux fois plus que l’année précédente. Elle ajoute que 12 % de ces personnes ont subi des violences.
La police roumaine n’a pas répondu immédiatement aux sollicitations de l’AFP mais dément généralement tout usage de la violence, déclarant agir conformément au droit international. Les habitants de la région, pour la plupart membres de la minorité hongroise de Serbie, voient les réfugiés d’un mauvais oeil. Beaucoup sont des paysans plutôt âgés qui s’informent auprès des médias hongrois, connus pour leur ligne anti-migrants.
« La vie sera belle quand les migrants partiront, on dirait des rats », lance un habitant qui arbore un tatouage militaire sur l’épaule.
Les villageois assis devant le seul commerce du hameau huent et insultent les migrants qui viennent se ravitailler. Des policiers patrouillent 24 heures sur 24 pour éviter les violences.
« On a proposé de construire un camp ici mais la communauté locale a dit non », explique à l ‘AFP Vladimir Cucic, directeur de l’agence serbe pour les réfugiés. « Ils ne voulaient pas devenir un hub de réfugiés ».
La route des Balkans a été fermé dans le sillage de la crise des migrants de 2015 mais des dizaines de milliers de personnes continuent chaque année de traverser la région.
Vladimir Cucic s’attend à un nouvel afflux « rapidement ».
« C’est comme essayer de retenir l’eau. On ne peut pas arrêter les gens », dit-il à l’AFP.
afp
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