Une dizaine de chefs d’Etat ouest-africains ont commencé dimanche au Ghana des discussions à huis clos pour trancher la question épineuse de leur réponse au récent double putsch des militaires maliens, lors d’un sommet régional extraordinaire.
La Cour constitutionnelle malienne a déclaré vendredi le colonel Assimi Goïta président de transition, parachevant le coup de force déclenché le 24 mai contre ceux qui se trouvaient entre lui et la direction de ce pays en pleine tourmente, alors qu’il est crucial pour la stabilité du Sahel face à la propagation jihadiste.
Les présidents nigérian Muhammadu Buhari, ivoirien, Alassane Ouattara, burkinabé, Roch Marc Christian Kaboré, se sont notamment réunis à Accra, la capitale du Ghana, ainsi que le colonel Goïta, arrivé dès samedi pour des consultations préliminaires.
Les chefs d’Etat, ainsi que des délégations de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) ainsi que Goodluck Jonathan, ancien président nigérian et médiateur de cette crise, se sont retrouvés à 15H00 (locales et GMT) pour des discussions exclusivement consacrées au Mali.
Dans son discours d’ouverture, le président en exercice de la Cédéao, le Ghanéen Nana Akufo-Addo, a dit avoir convoqué ce sommet extraordinaire « devant la gravité des faits », et a « réitéré son engagement à appuyer une transition pacifique au Mali et restaurer un gouvernement démocratique pour assurer la stabilité du pays et de la région ».
Dimanche, cinq personnes ont été tuées dans une attaque de jihadistes présumés dans le sud du Mali, selon un responsable des services de sécurité. Avec la nomination du colonel Goïta, la Cour constitutionnelle a officialisé un fait accompli auquel les partenaires du Mali avaient essayé de s’opposer après le coup d’Etat d’août 2020.
Assimi Goïta et un groupe de colonels avaient alors renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta après des mois de contestation populaire mais, sous la pression internationale, avaient accepté la nomination d’un président et d’un Premier ministre civils. La junte avait cependant taillé pour Assimi Goïta une vice-présidence sur mesure, investie des charges primordiales de la sécurité. Les colonels avaient nommé les leurs aux postes clés.
Lundi, l’ancien commandant de bataillon des forces spéciales a fait arrêter le président Bah Ndaw et le Premier ministre Moctar Ouane, cautions civiles de la transition, qui ont ensuite démissionné, selon la version officielle.
L’engagement pris pour une transition civile est foulé aux pieds, suscitant le doute sur les autres promesses, à commencer par la tenue d’élections début 2022. La junte a dit qu’elle comptait respecter le calendrier, mais a ajouté qu’il pouvait être soumis à des aléas. La Cour constitutionnelle précise que le colonel Goïta présidera la transition jusqu’au bout.
Paris avait dénoncé mardi un « coup d’Etat inacceptable » et le président français Emmanuel Macron a averti, dans un entretien au Journal du dimanche, que Paris « ne resterait pas aux côtés d’un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique ni de transition ».
Différentes voix s’élèvent par ailleurs pour noter la différence de traitement entre la vigueur de la réaction aux évènements maliens et la mansuétude montrée vis-à-vis de la transition militaire au Tchad, autre pays sahélien.
La Cédéao avait corédigé avec l’Union africaine (UA), la Mission de l’ONU au Mali (Minusma), la France, les Etats-Unis et d’autres un communiqué rejetant « par avance tout acte imposé par la contrainte, y compris des démissions forcées ».
Une mission de la Cédéao dépêchée au cours de la semaine au Mali a évoqué l’éventualité de sanctions. La France et les Etats-Unis, engagés militairement au Sahel, en ont brandi la menace.
« La transition politique sera dirigée par un civil » et « le vice-président de la transition (…) ne pourra en aucune manière remplacer le président de la transition », avaient déclaré les dirigeants ouest-africains lors d’une réunion avec la junte le 15 septembre 2020 après le premier coup de force.
La Cédéao avait suspendu le Mali de tous ses organes de décision, fermé les frontières de ses Etats membres et stoppé les échanges financiers et commerciaux avec le pays, à l’exception des produits de première nécessité.
Elle avait levé les sanctions, mal ressenties par une population éprouvée dans un pays exsangue, quand la junte avait paru se plier à ses exigences.
afp
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