L’insurrection islamiste de la province mozambicaine du Cabo Delgado était à ses origines un groupe disparate de jeunes aux frustrations locales menant quelques attaques ici et là, souvent à l’aide de machettes. L’assaut spectaculaire mené fin mars sur la ville de Palma a montré au monde que le groupe, désormais considéré par les États-Unis comme une franchise de l’État islamique, a bel et bien opéré une mue : des centaines d’hommes lourdement armés ont tué des civils, détruit une partie de la ville et tenu la dragée haute aux forces de sécurité, qui ont mis plus de dix jours pour reprendre le contrôle de Palma.
L’attaque, qui a poussé la société pétrolière française Total à suspendre un projet gazier de plusieurs milliards de dollars, a aussi mis en lumière les limites des efforts militaires mozambicains pour empêcher la progression du groupe connu sous le nom d’Al Shabab (« les jeunes », à ne pas confondre avec son homonyme somalien). Elle a aussi intensifié les craintes de voir se développer un nouveau front djihadiste exploité par l’État islamique, qui pourrait mettre à mal la stabilité régionale et détériorer un peu plus une situation humanitaire déjà dramatique – le conflit a fait, depuis 2017, environ 3 000 morts et 750 000 déplacés.
Il serait tentant pour les partenaires internationaux, dont la France, de pousser pour un déploiement militaire étranger important. Or, si un soutien militaire est nécessaire, il devra être adapté pour permettre, en parallèle, un dialogue avec les militants et l’apport de réponses aux frustrations locales ayant mené à l’insurrection.
De fait, si l’attention internationale se porte sur les relations entre Al Shabab et l’État islamique, ces liens sont pourtant à l’heure actuelle très faibles. Et si la présence d’étrangers au sein de ce groupe est avérée, dont de nombreux Tanzaniens, la plupart des membres sont des Mozambicains dont les motivations sont moins idéologiques qu’économiques. À l’origine, les membres de ce groupe sont principalement des membres des communautés Makua et Mwani s’estimant marginalisés dans cette région riche en rubis et en gaz naturel, et révoltés par l’influence de généraux issus de la communauté Makonde, celle du président Felipe Nyusi, et ayant d’importants intérêts économiques personnels au Cabo Delgado.
Maputo a répondu par la force en déployant une armée régulière peu efficace, puis en mobilisant les forces spéciales appuyées par le groupe de sécurité privé sud-africain Dyck. Mais si quelques défaites ont été infligées à Al Shabab, le groupe est revenu à chaque fois plus fort : ce dernier ne cesse de grandir en nombre (les estimations varient de 1 500 à 4 000 hommes), dispose d’armes de plus en plus lourdes, génère des revenus et a tissé un réseau de renseignements qui s’étend jusqu’au sein des forces de sécurité mozambicaines.
Les partenaires internationaux de Maputo souhaitent voir le Mozambique répondre avec fermeté à la crise du Cabo Delgado. Un déploiement rwandais est actuellement en discussion entre Maputo et Kigali tandis que les pays de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) sont désireux d’envoyer des troupes. Le président français Emmanuel Macron, lors d’une visite en mai en Afrique du Sud, a assuré que Paris est prêt à participer à des opérations maritimes « dans le cadre d’une solution politique qui sera d’abord demandée par le Mozambique et ensuite structurée par la SADC ».
Felipe Nyusi est lui réticent à autoriser un déploiement de la SADC. Ses détracteurs estiment qu’il souhaite éviter les yeux inquisiteurs de troupes étrangères dans une province où de nombreux trafics illicites, notamment d’héroïne, profitent aux élites proches du parti au pouvoir. L’entourage du président argue que ce dernier souhaite surtout éviter que des troupes étrangères déployées en nombre ne s’embourbent dans un conflit sans fin, comme c’est le cas notamment au Sahel.
Quelle que soit l’option finalement choisie, Maputo et ses partenaires devront effectivement éviter un déploiement trop important de troupes étrangères qui risquerait de créer un nouveau front djihadiste attirant des militants étrangers et exploité par l’État islamique. Nombre d’experts en sécurité estiment en effet qu’il sera de toute façon difficile, voire impossible, de défaire militairement Al Shabab.
Une meilleure stratégie consisterait à endiguer l’expansion du groupe tout en trouvant des moyens de pousser ses militants à quitter ses rangs. L’apport militaire des partenaires régionaux et internationaux du Mozambique pourrait dès lors prendre la forme d’un soutien aux troupes d’élite mozambicaines, déjà entraînées par des partenaires occidentaux, et s’articuler autour du renseignement, de conseils militaires et du déploiement d’un nombre limité de troupes de combat.
L’outil militaire ne pourra toutefois pas à lui seul libérer le Cabo Delgado de la violence djihadiste. En parallèle, les autorités devraient œuvrer pour regagner la confiance des habitants, notamment en discutant avec eux de l’usage de l’argent des donateurs internationaux. Ce faisant, des lignes de communication pourraient être ouvertes avec des militants mozambicains afin de les convaincre qu’ils ont plus à gagner à déposer les armes qu’à vivre par celles-ci.
Plus de trois ans après le début de la crise au Cabo Delgado, Maputo et ses partenaires ont raison de se mobiliser, les habitants de la province ne souhaitant plus vivre dans la crainte d’être tué ou enlevé. La France a en outre des intérêts très pragmatiques à apporter sa pierre à l’édifice, notamment éviter que le développement d’un front djihadiste aux ramifications internationales ne fasse tache d’huile et ne menace les intérêts français autour du canal du Mozambique.
Pour cela, une réponse parfaitement calibrée est indispensable. Envisager cette crise uniquement d’un point de vue militaire n’apportera pas de réponse à long terme à ce qui est avant tout un mouvement né de frustrations locales.
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