Musée national Zabana d’Oran : un patrimoine culturel remarquable

Un musée est semblable à une ultime station culturelle avant l’oubli et contre l’oubli. Chaque moment à travers les objets, les vestiges archéologiques ou ethnologiques, les arts, est le produit de 3 millions d’années. Une nation sans culture est une nation qui s’apprête à faire le lit à sa régression et aux démons de l’ignorance. En cela, le Musée national Zabana, envisagé dès l’année 1879, est un joyau qui mérite le détour.
C’est au numéro 19 de l’avenue Ahmed-Zabana que se niche le musée qui porte le nom du héros guillotiné le 19 juin 1956. Ses quatre imposantes colonnes trônent comme un appel-invitation à visite. Paradoxe : au calme, côté trottoir de l’édifice culturel, fait face le tapage des rues grouillantes, côté M’dine Jdida ! Pacotilles, trabendo, mauvais goût et pizzas, on trouve de tout et de rien. A croire que pour certains, le ventre tient lieu de cerveau !
Hasni El Akeb, chef du service de sécurité du musée, visiblement dépité en ces temps troublés, cite de mémoire que «sans culture un peuple ne pourra pas évoluer…». Cruel constat. Mais aussi cruel serait de regarder les choses humaines couleur sombre. Il y a ce pas qu’il ne faut pas franchir, au risque d’une déperdition dans l’abîme de la désespérance.
Une clé pour l’éveil intelligent des enfants
Il suffit d’une balade à travers nos cités populaires ou résidentielles pour constater une floraison de crèches, de garderies d’enfants ou d’établissements para et périscolaires, et c’est heureux. Tout le problème réside en leurs programmes qui «prévoient» ce fameux «éveil» des gamins ; mis à part quelques activités de jeux proposés plus ou moins intelligents, pour le reste, les bambins sont invités à un «concours» de cris !
Parfois mis en valeur, parfois délaissé, le patrimoine culturel oranais leur offre pourtant un édifice superbe. Comme le regard en art s’éduque dès le jeune âge, le Musée pour tous, institution liée à l’enfance, doit être obligatoire. Parfois, il est des gens qui traînent les pieds, inconscients des vertus de la culture. Il faut savoir que dans la Grèce antique, «amener les jeunes au théâtre, les inviter au débat» était pour tous les établissements obligatoire !
Leila Boutaleb, attachée au service animation et communication, nous rassure : «L’une des priorités de notre musée concerne les secteurs scolaires. Nous avons accueilli 16 915 enfants sur 53 202 visiteurs en 2019. Et lorsque les possibilités de déplacement des enfants sont difficiles, nous allons vers eux dans leurs quartiers pour les inciter, par des animations et expositions adaptées, à venir faire un tour au musée… Nous organisons régulièrement des expositions, des journées d’étude, des ateliers en collaboration avec des associations culturelles, l’université. Des supports de communication sont envoyés dans les établissements scolaires». Les traînards de la culture n’ont pas à invoquer les prix d’accès. Ils sont dérisoires : 200 DA plein tarif, 100 DA pour les étudiants, les stagiaires et les apprentis ; accès gratuit pour les jeunes de moins de 16 ans, les personnes âgées de plus de 65 ans et personnes à handicap.
Neuf sections, neuf promesses de connaissances
Le visiteur non averti serait étonné de découvrir tant de merveilles tout au long du parcours à travers le temps et les âges. Notre guide du jour, Leila Boutaleb, nous parle avec émotion de «la richesse des collections, répertoriées et exposées dans ses différentes sections : Histoire naturelle, Préhistoire, Antiquité, Ethnographie, Archéologie musulmane, Beaux-Arts, Numismatique et Vieil Oran».
Nous pouvons également admirer les objets des arts traditionnels maghrébins : objets en cuivre, poterie, armes, instruments de musique anciens sont exposés, meubles et vêtements traditionnels, dont la chedda de Tlemcen classée en 2012 patrimoine mondial par l’Unesco.
Le musée pourrait être aujourd’hui un lieu de rendez-vous culturel naturel et d’éveil de jeunes talents d’Oranie. Il sèmerait ainsi les arts pour récolter peut-être la culture. Et peut-être incitera-t-il nos enfants à apprendre à exprimer une émotion, une idée, à coups de fusains, de crayons, de pinceaux ou de burins, modeler du plâtre ou de l’argile, laisser exploser leur imagination ; c’est quelque part l’enfance de l’art, et dessiner enfin les contours d’une espérance culturelle.
Protection des biens culturels contre les vols et les négligence
Les œuvres d’art ont de tout temps attiré les brigands. Dans les années 1970, 1980 et 1990, plusieurs œuvres originales avaient disparu, soit volées par des réseaux criminels «spécialisés» sur les marchés mondiaux de l’art, soit détournées par des individus qui ne mesuraient pas la valeur de ces œuvres pour orner les murs de leurs bureaux ou les exposer dans les halls de communes et autres administrations sans protection particulière. Certaines œuvres subtilisées des musées sont perdues à jamais, d’autres ont été retrouvées, et celles qui se «baladaient» ici et là dans les dédales de l’administration, récupérées par les musées.
L’un des vols les plus spectaculaires qui a fait grand bruit s’est déroulé au Musée d’Oran au mois d’octobre 1985. Des escrocs avaient réussi à dérober «La biche morte» (1857) de Gustave Courbet et «La mère donnant à manger à ses enfant» de Jean-François Millet (XIXe siècle). Le receleur «tentait de l’écouler en 2001 sur le marché de l’art en changeant le titre de la toile de Courbet en «Mort du chevreuil». La police française spécialisée en criminalité dans l’art ne tomba pas dans le panneau, car, par chance, les toiles étaient répertoriées à Oran. Exposées au Musée du Quai d’Orsay à Paris depuis plusieurs années, les toiles furent restituées par la France en 2017. (lire «Sur les traces de la Biche morte» de Rachid Lourdjane, El Watan du 02.07.2009). La toile de Millet se trouve à Alger et «La biche morte» de Courbet est déposée en un lieu inconnu. Peut-être une affaire à suivre.
Ces affaires donnent une idée de l’importance de la répertorisation des œuvres. Au Musée Zabana, chaque œuvre porte un numéro d’inventaire assuré par le Conservateur et l’attaché de conservation. Ce travail fastidieux réalisé, reste à protéger et sécuriser l’ensemble.
Hasni El Akeb et Lotfi Mohamed, respectivement chef du Service de sécurité et responsable de la gestion de la sécurité et hygiène, nous confirment que le musée «a bien évolué en ce domaine. Toutes les salles sont dotées de caméras de surveillance 24h sur 24, et dans chacune, un agent de sécurité veille. Ils sont tenus, en dehors de la surveillance générale, de signaler toutes les anomalies qu’ils consignent sur un registre». On n’en dira pas plus. Alors ? Oublier un moment les magasins et les fast-foods pour faire tour au musée des connaissances ? Et c’est pas cher !
Rafik
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