Le ministre de l’intérieur a annoncé une prochaine réunion Walis/ Gouvernement et des responsables de ce ministère ont annoncé l’adoption prochaine des codes de wilayas et des APC, parallèlement à la numérisation du secteur comme instrument de modernisation de la gestion des collectivités locales. Cette contribution qui est une synthèse de mes différentes contributions parues entre 1976/2022 pose la problématique de de la décentralisation inséparable de la bonne gouvernance autour de six à sept grands pôles économiques régionaux afin de favoriser le développement et une société participative
1.–Je définis la décentralisation économique à ne pas confondre avec l’avatar néfaste du régionalisme, comme un mode d’organisation de l’Etat qui confère à la région un rôle et un statut économique propre, caractérisé par une autonomie relative étant encadrée par l’Etat régulateur , les tactiques pour paraphraser le langage militaire devant s’insérer dans le cadre d’une planification stratégique , moyen à moyen et long terme.( voir la thèse sous ma direction de feu le professeur Ait Habouche sur la régionalisation soutenue en 1983) Toute décentralisation économique appelle les questions fondamentales suivantes : compétences des régions ; règles de composition et de fonctionnement des assemblées et exécutifs régionaux ; ressources des régions ; relations avec le pouvoir central ; modalités de transfert aux pouvoirs régionaux et enfin concertation entre régions. La mise en place de la décentralisation économique doit avoir pour conséquence un meilleur gouvernement réel ressenti comme tel par la population, l’argument de base résidant dans la proximité géographique. Cela signifie qu’il existe une solution locale aux problèmes locaux et que celle-ci est nécessairement meilleure qu’une solution nationale. La conception volontariste étatiste de l’aménagement du territoire en Algérie, fondée sur la fameuse théorie des pôles de développement ou de croissance entraînant, a été un leurre et n’a pas eu les effets escomptés. Une réelle décentralisation suppose une clarté dans l’orientation de la politique socio-économique évitant des tensions et conflits entre le pouvoir local et central et des concurrences entre le centre et la périphérie, l’objectif un nouveau cadre de pouvoir avec des nouveaux acteurs, de nouvelles règles et de nouveaux enjeux avec des nouvelles stratégies élaborées. Cela devrait favoriser un nouveau contrat social national afin de rendre moins coûteux et plus flexible le service public, génèrerait une nouvelle opinion publique, voire une nouvelle société civile afin de favoriser l’émergence de thématiques communes, des modes de propositions communs et donc déterminerait des choix collectifs optimaux. Une centralisation à outrance favorise un mode opératoire de gestion autoritaire des affaires publiques, une gouvernance par décrets, c’est-à-dire une gouvernance qui s’impose par la force et l’autorité loin des besoins réels des populations et produit le blocage de la société. L’objectif d’une réelle décentralisation devra répondre aux besoins des populations en quelque lieu qu’elles se trouvent et assurer la mise en valeur de chaque portion de l’espace où elles sont installées. Il ne s’agira pas d’opposer le rural à l’urbain, les métropoles aux provinces, les grandes villes aux petites mais d’organiser leurs solidarités afin de favoriser une armature urbaine souple à travers les réseaux, la fluidité des échanges, la circulation des hommes et des biens, les infrastructures, les réseaux de communication étant le pilier. Cela implique une nouvelle architecture des villes, des sous systèmes de réseaux mieux articulés, plus interdépendants bien que autonomes dans leurs décisions (voir l’ouvrage collectif pluridisciplinaire regroupant économistes, sociologues, politologues, sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul», réformes et démocratie Casbah Editions, deux volumes (2004 Alger 500 pages) avec un chapitre consacré à la décentralisation).
2.-La réforme des collectivités locales est inséparable de la réforme de l’Etat, de la transition d’un État gestionnaire centralisateur à un Etat régulateur, un Ministre ou un Wali régule et ne gère pas , implique la réorganisation du pouvoir local dont la base est l’APC, afin de favoriser une société plus participative et citoyenne. Après le tout Etat, l’heure est au partenariat entre les différents acteurs de la vie économique et sociale, à la solidarité, à la recherche de toutes formes de synergie et à l’ingénierie territoriale. C’est dans ce contexte, que l’APC doit apparaître comme un élément fédérateur de toutes les initiatives qui participent à l’amélioration du cadre de vie du citoyen, à la valorisation et au marketing d’un espace. C’est à l’APC que reviendra ainsi la charge de promouvoir son espace pour l’accueil des entreprises et de l’investissement devant se constituer en centre d’apprentissage de la démocratie de proximité qui la tiendra comptable de l’accomplissement de ses missions. Il y a lieu de penser un autre mode de gestion, de passer du stade de collectivités locales providences à celui de collectivités locales entreprises et citoyennes responsables de l’aménagement du développement et du marketing de son territoire et de procéder à une autre organisation institutionnelle, qui ne sera efficace que sous réserve d’objectifs précis, d’opérer un changement qui passe par une approche basée sur une identification claire des missions et responsabilités et une restructuration des fonctions et des services chargés de la conduite de toutes les activités sécuritaires , administratives, financières, techniques et économiques. incluant la protection de l’environnement. L’efficacité des mesures d’aménagement du territoire pour favoriser les activités productives implique la refonte des finances locales et des taxes parafiscales sans lesquelles la politique d’aménagement du territoire aurait une portée limitée devant s’appuyer sur le système de péréquation entre les régions pauvres et riches. Cette organisation doit être souple avec comme rôle essentiel la prospective du territoire en évitant le centralisme administratif, afin de construire un socle productif sur plus d’individus et davantage d’espace car l’aménagement du territoire ne peut être conçu d’une manière autoritaire, interventionniste, conception du passé, mais doit être basé sur la concertation et la participation effective de tous les acteurs sociaux. Les pouvoirs publics doivent dépasser cette vision distributive à l’image des programmes spéciaux mais concourir à optimiser la fonction du bien-être collectif. Comme je l’avais préconisé car un opérateur n’investit pas au sein d’une micro-wilaya, mais au sein d’un grand espace, (voir nos ouvrages, réformes et démocratie OPU 1982 et Casbah Edition 2005),et à différentes réunions walis gouvernement auxquelles j’ai participé , la structure qui me semble la plus appropriée pour créer ce dynamisme, ce sont les chambres de commerce régionales, à travers six à sept grands régionaux qui regrouperait sous l’autorité d’un gouverneur désigné par l’Etat et les Walis, comme régulateur et comme acteurs actifs les élus locaux, les présidents d’APC, , les entreprises publiques et privées, les banques, les centres de formation professionnelle, et les universités/centres de recherche (voir notre contribution l’expérience du pôle régional de Greenville USA www.google – Mebtoul 1995 suite à une longue tournée que j’ai effectuée aux USA). L’action des chambres de commerce régionales, lieu de concertation mais surtout d’impulsion pour la concrétisation de projets serait quadruple : premièrement, dynamiser les infrastructures de base et préparer des sites confiés à des agences de promotions immobilières publiques et privées ; deuxièmement, l’avenir appartenant au savoir, et ce dans tous les domaines économiques et militaires, sans laquelle aucun développement n’est possible en ce XXIe siècle, mettre à la disposition des sociétés une main-d’œuvre qualifiée grâce à un système de formation performant et évolutif allant des ingénieurs, aux gestionnaires, aux techniciens spécialisés et ce, grâce aux pôles universitaires et des centres de recherche. L’apprentissage en dynamique est un capital humain pour de futures sociétés qui s’installent dans la région, une société installée payant des impôts qui couvriront largement les avances en capital de la formation avancée. Cette formation devra être adaptée pour tenir compte de la norme qualité standard, le label qualité étant exigé pour tout exportateur. Ainsi, nous assisterons à une symbiose entre l’université et les entreprises. Car les sociétés ont besoin de l’accès aux chercheurs, aux laboratoires pour les tests d’expérimentation et l’université a besoin des sociétés comme support financier et surtout d’améliorer la recherche ; la troisième action est de favoriser des entreprises souples reposant sur la mobilité et les initiatives individuelles. Des tests ont montré que l’initiative collective de cadres et salariés, pour certains produits, permet d’économiser certains équipements (donc d’avoir un amortissement moindre dans la structure des coûts) et de faire passer le processus de sept (7) minutes (420 secondes) à 45 secondes soit une économie de temps, améliorant la productivité du travail de l’équipe. Ce qu’on qualifie d’équipes auto dirigées ; la quatrième action, la chambre de commerce intensifient les courants d’échange à travers différentes expériences entre les régions du pays et l’extérieur et l’élaboration de tableaux de prospectifs régionaux, horizon 2023/2025/2030. La mise à la disposition des futurs investisseurs de toutes les commodités nécessaires ainsi que des prestations de services divers (réseau commercial, loisirs) est fondamentale. Cette symbiose entre ces différentes structures et certains segments de la société civile doit aboutir à des analyses prospectives fondamentales, à un tableau de bord d’orientation des futures activités de la région, afin de faciliter la venue des investisseurs.
En conclusion, il faut éviter l’utopie de verser dans le juridisme qui n’est qu’un moyen, sans s‘attaquer au fonctionnement de la société, ne devant pas confondre décentralisation et déconcentration où le pouvoir central rejette les problèmes qu’il ne peut résoudre sur le pouvoir local en créant d’autres entités administratives alors qu’avec les nouvelles technologies l’organisation en réseaux peut facilement rapprocher l’État du citoyen. La pleine réussite de ce processus complexe de la décentralisation, action éminemment politique implique de poser le rôle de l’Etat et son articulation avec le marché dans la future stratégie socio-économique ce qui renvoie au mode de gouvernance afin de favoriser le développement multidimensionnel, économique, social et surtout culturel déterminant en ce XXIe isocèle. L’aménagement du territoire plaçant l’homme pensant et créateur au cœur du développement doit réaliser un triple objectif : une société plus équilibrée et plus solidaire, la croissance au service de l’emploi et mettre l’Algérie au cœur du développement de la Méditerranée et de l’Afrique espace naturel de l’Algérie, afin de favoriser une prospérité partagée.
Dr.Abderrahmane MEBTOUL
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