Dans cet entretien exclusif accordé à Réveil d’Algérie, le Dr Yasmine Amazit, spécialiste en pneumophtisiologie, partage son expertise sur les enjeux de santé liés au tabagisme en Algérie. Avec des données alarmantes et un regard attentif sur la situation, elle décrit l’impact de cette addiction sur la santé des Algériens et propose des pistes pour lutter contre ce fléau.
Dr Amazit, pourriez-vous nous présenter brièvement votre parcours et votre spécialité médicale ?
Je suis médecin spécialiste en pneumophtisiologie. Après une formation de quatre ans en pneumologie au CHU de Beni Messous et trois ans de pratique hospitalière à Ghardaïa, j’ai ouvert un cabinet de pneumologie à Alger en 2021. La pneumophtisiologie en Algérie a toujours été un domaine médical essentiel, notamment en raison de la prévalence historique de la tuberculose. Aujourd’hui, notre travail s’étend aussi à des maladies chroniques comme l’asthme, le cancer du poumon et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO).
Quelle est la situation actuelle de la consommation de tabac en Algérie ? Y a-t-il des chiffres récents ?
Les chiffres de 2017, issus d’une enquête du ministère de la Santé et de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), révèlent que 16,2 % des Algériens adultes consomment du tabac, avec une nette prédominance masculine. Plus inquiétant encore, une étude de 2013 montrait que près de 9 % des adolescents entre 13 et 15 ans fumaient. Bien que la consommation de tabac chez les femmes reste relativement basse (0,4 %), elles semblent être le groupe le moins enclin à envisager l’arrêt.
Quels sont les effets courants du tabagisme que vous constatez chez vos patients ?
Quand on évoque le tabac, on pense immédiatement au cancer du poumon, et c’est en effet une maladie en forte augmentation. Mais il faut aussi noter d’autres pathologies liées au tabac : les infections respiratoires fréquentes comme les bronchites et pneumonies, l’asthme, et surtout la BPCO, une maladie chronique grave souvent diagnostiquée tardivement. Les patients atteints de BPCO souffrent d’insuffisance respiratoire et voient leur qualité de vie fortement réduite.
Le tabac cause-t-il des maladies au-delà des voies respiratoires ?
Oui, absolument. Le tabagisme est la première cause de mortalité évitable dans le monde. Il est également responsable d’accidents vasculaires cérébraux, de crises cardiaques, de problèmes de fertilité et de bien d’autres complications.
Malheureusement, même une consommation dite « modérée » reste dangereuse, et expose au risque de cancer et de maladies graves. Quant au vapotage, il est souvent perçu comme moins dangereux, mais peut amener une dépendance et inciter les jeunes à se tourner vers le tabac.
En matière de prévention, quelles actions sont menées en Algérie pour lutter contre le tabagisme ?
Des journées de sensibilisation sont organisées régulièrement par des associations et dans les médias, notamment lors de la Journée mondiale sans tabac le 31 mai. Mais je pense que ces initiatives sont limitées en termes d’impact. La plupart des fumeurs sont conscients des risques. Ce qu’il faut, c’est accentuer les efforts pour accompagner ceux qui souhaitent arrêter, par exemple avec des consultations spécialisées.
Quel rôle les médias peuvent-ils jouer dans cette sensibilisation ?
Les médias et les réseaux sociaux peuvent avoir un rôle clé, surtout auprès des jeunes. Les créateurs de contenu, par exemple, peuvent mettre en avant des effets moins connus du tabagisme qui parlent aux jeunes, comme les impacts sur la fertilité, la peau, les cheveux, ou encore l’apparence physique. Insister sur les bienfaits du sevrage — comme une meilleure condition physique et des économies financières — peut également toucher un public large et varié.
Quelles options sont disponibles en Algérie pour les personnes qui souhaitent arrêter de fumer ?
Les fumeurs peuvent s’adresser à des médecins généralistes, des pneumologues, des psychiatres, et d’autres professionnels de santé pour être accompagnés dans le sevrage. Certaines structures publiques offrent des consultations anti-tabac, bien que cela reste limité. En ce qui concerne les substituts nicotiniques, ils sont disponibles en pharmacie mais restent onéreux et ne sont pas remboursés, ce qui en limite l’accessibilité.
Quel conseil donneriez-vous aux personnes qui souhaitent arrêter ?
Je leur conseillerais de fixer une date d’arrêt et de s’y préparer mentalement, de se confier à leurs proches pour trouver du soutien, et d’identifier les situations qui les poussent à fumer pour éviter les tentations. Le sevrage peut sembler difficile, mais une fois cette phase surmontée, ils retrouveront une vie bien meilleure sans tabac.
Selon vous, pourquoi le tabagisme reste-t-il attrayant pour les jeunes malgré les campagnes de prévention ?
C’est l’un des plus grands défis de la lutte contre le tabagisme. Le tabac reste perçu comme « cool » pour beaucoup, surtout en raison de l’influence sociale. L’arrivée des cigarettes électroniques, colorées et parfumées, rend cette habitude encore plus attrayante. Il est essentiel de renforcer l’interdiction de vente aux mineurs et d’offrir des alternatives positives, comme des activités sportives. Nous avons aussi besoin de campagnes ciblées sur les plateformes que fréquentent les jeunes, comme Instagram et TikTok.
Enfin, quel est le coût du tabagisme pour la santé publique en Algérie ?
Le coût est difficile à estimer, mais il est immense. Il faudrait prendre en compte toutes les maladies causées par le tabac, des cancers aux AVC, en passant par l’insuffisance respiratoire. Ces pathologies entraînent des frais de traitement, de réhabilitation, et des conséquences économiques comme l’absentéisme et l’invalidité.
Un dernier mot pour les fumeurs et ceux qui envisagent de fumer ?
À ceux qui fument déjà, je dirai que le sevrage est possible et bénéfique ; il ne faut pas attendre la maladie pour s’arrêter. Pour ceux qui pensent à commencer, sachez que la première cigarette est la plus dangereuse, et la meilleure solution est de ne jamais l’allumer.
La Banque mondiale, dans son dernier rapport sur l’économie algérienne (Automne 2024), met en lumière le potentiel important du pays pour développer ses exportations hors ...
L’Algérie a appelé, lundi 18 novembre , la communauté internationale à respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale du Soudan, tout en exigeant une condamnation ferme ...
Dans le cadre de la prévention des infections respiratoires, l’Institut national de Santé publique (INSP) a organisé, lundi 18 novembre 2024, une journée de sensibilisation ...