Directeur général de Green Energy Cluster Algeria (Cluster Energie Solaire), Boukhalfa Yaici évoque dans cet entretien les perspectives de développement des énergies renouvelables en Algérie. Il émet, également, un certain nombre de recommandations à même d’accélérer la transition énergétique vers des sources d’énergies propres.
Quelles sont les potentialités dont dispose l’Algérie en termes d’énergies renouvelables, plus particulièrement le solaire ?
Le potentiel énergétique solaire de l’Algérie est parmi les plus élevés au monde avec une irradiation moyenne annuelle comprise entre 1700 kWh/m2 au Nord, 1900 kWh/m2 au niveau des Hauts-Plateaux et 2650 kWh/m2 dans le Grand Sud. Comme 86% du territoire national est désertique, il est possible de produire des quantités considérables d’énergie électrique pour couvrir les besoins nationaux et envisager d’exporter soit des électrons verts ou des molécules vertes à destination des marchés régionaux. On peut considérer que l’Algérie est une cellule solaire à ciel ouvert.
Au vu de sa situation géographique, l’Algérie bénéficie, en effet, d’un niveau d’ensoleillement qui pourrait lui permettre de devenir un acteur majeur dans la production d’électricité à partir d’une énergie propre. Sauf que la filière n’a jamais réellement bénéficié d’un quelconque intérêt dans les politiques publiques. Quelles sont, d’après-vous, les raisons de ce désintérêt ?
Au-delà du potentiel considérable dans le domaine du solaire, le pays est aussi connu pour ses capacités dans les énergies fossiles comme le gaz naturel et le pétrole. Le pays s’est tourné dès l’indépendance vers l’exploitation de ses ressources fossiles non renouvelables. Cela a permis de financer le développement du pays. A titre d’exemple, le taux d’électrification du pays dépasse les 99% alors que le taux de raccordement au gaz naturel dépasse les 77%. Ce sont des chiffres qu’on ne trouve que dans les pays développés. Ces niveaux importants ont été atteints grâce à la disponibilité d’une énergie très bon marché avec des tarifs largement soutenus par l’Etat.
Cela a créé une demande importante avec une croissance de l’ordre de 6% par an, difficilement soutenable lorsque les chiffres du ministère de l’énergie et des mines tablent sur une croissance annuelle des ressources gazières de 2%. Cela a fini par créer un déséquilibre entre ce qui est extrait, ce qui est consommé localement et ce qui est exporté. Cela a alerté les responsables du pays pour trouver une solution à ce déséquilibre qui va en s’accentuant. Il est important de trouver des solutions structurelles au cours de cette décennie. Une des solutions est le recours aux énergies renouvelables et principalement à l’énergie solaire photovoltaïque pour produire une partie de l’énergie consommée annuellement dans notre pays.
Que faudrait-il faire, d’après-vous, pour combler un tant soit peu le retard enregistré dans le développement des énergies renouvelables ?
Il faut que le programme des énergies renouvelables puisse être déployé avec une cadence suffisante pour compenser la demande interne, ouvrir l’investissement dans les énergies renouvelables aux différents types d’investisseurs comme les particuliers, les industriels, les agriculteurs. C’est une nécessité pour assurer la pérennité du financement du programme des énergies renouvelables.
Nous devons également réviser la réglementation actuelle devant faciliter le raccordement de nouveaux producteurs-consommateurs d’énergie. Tout comme il faut autoriser et accompagner des investisseurs dans la mise en place de mini-réseaux électriques destinés aux exploitations agricoles éloignées du réseau de Sonelgaz. Il s’agit, enfin, d’élargir la palette de la finance proposée par le secteur bancaire pour accompagner les investisseurs sur des projets à long terme.
On assiste actuellement à une petite révolution avec le lancement d’un ambitieux programme de réalisation de centrales solaires pour une production à l’horizon 2035 de 15000 MW. Ces projets sont-ils à même d’enclencher une dynamique d’investissement dans cette branche ?
La mise en œuvre du programme des énergies renouvelables appelle à la mise en place d’une industrie nationale dédiée. Aujourd’hui, Sonelgaz exige dans son cahier des charges un minimum de 35% en contenu local, ce qui représente une bonne démarche pour créer autour du programme une dynamique industrielle. Cette dynamique devrait être accompagnée par d’autres secteurs intéressés par l’activité économique de nos entreprises comme l’industrie, la finance, la recherche & développement, la formation professionnelle et celui des start-ups. Il y a lieu de se mettre en ordre de bataille et de travailler de concert avec toutes les parties prenantes.
A ce titre, le Cluster est partie prenante de cette dynamique puisque nous appelons nos membres, les entreprises de droit algérien et les investisseurs à venir investir dans notre pays. La palette d’investissement est large. Cela peut être dans la technologie solaire photovoltaïque, l’électronique, le transport de l’énergie, le stockage d’énergie, les ensembles mécaniques et électriques, la construction des centrales solaires, l’ingénierie des centrales, l’exploitation et la maintenance, la formation de haut niveau, la formation à destination des entreprises. Le marché des énergies renouvelables va représenter entre 1 et 1,5 milliard de dollar par an.
Les projets du dernier appel d’offres pour les centrales solaires ont été octroyés, dans leur majorité, à des entreprises étrangères. Pourquoi la présence de sociétés algériennes est-elle si marginale ?
La participation des entreprises algériennes aux appels d’offres de Sonelgaz a été obtenu grâce aux interventions du Green Energy Cluster Algeria qui ont reçu une écoute favorable aussi bien au niveau du ministère de l’Energie et des Mines qu’au niveau du management de Sonelgaz. Sur les 2 appels d’offres, 42% ont été obtenus par des entreprises algériennes seules ou en partenariat. Sur le 2nd appel d’offres de 1000 MWc, 70% ont été gagnés par des entreprises de droits algériens seules ou en partenariat. La majorité de ces entreprises sont membres de notre Cluster.
Nos membres qui ont investi ces projets sont : Amimer Energie, Eurl Hamdi, Ozgun et Zergoun Green Energie. Il y a lieu de noter la forte implication du groupe public Cosider en partenariat avec une société européenne sur ces 2 projets. Afin d’élargir la participation des entreprises de droit algérien, nous appelons les acteurs locaux, seuls ou en partenariat à s’investir dans les prochains projets dont l’ouverture des plus est prévu courant mai 2024 : un projet de 80 MWc dans la Wilaya de Tiaret et un autre de 200 MWc avec du stockage d’énergie au niveau de Gara Djebilet (Wilaya de Tindouf). D’autres projets seront proposés aux investissements en 2025 et 2026.
Les observateurs pensent que le recours aux EnR va permettre de faire des économies sur les volumes de gaz utilisés actuellement dans la production d’électricité. Est-ce qu’on peut faire une estimation de ces volumes après l’entrée en production des centrales en cours de réalisation ?
Un calcul permet d’estimer que pour chaque tranche de 1000 MWc, on peut économiser 600 millions de m3 de gaz naturel par an. Pour l’ensemble du programme de 15000 MWc, Sonelgaz estime les économies entre 6 et 8 milliards de m3 de gaz naturel par an.
Dans la feuille de route du gouvernement concernant les EnR, est-ce que des incitations existent pour encourager l’installation de systèmes solaires chez les particuliers, comme cela se fait dans beaucoup de pays ?
C’est une des lacunes qu’il s’agit de combler par une révision de la réglementation et la mise en place d’un dispositif incitatif pour permettre aux producteurs-consommateurs de participer à l’effort national de déploiement massif du programme des énergies renouvelables dans notre pays. Cela devrait concerner aussi bien les particuliers, les industriels que les agriculteurs. Il faut ouvrir le champ de l’investissement dans ce domaine pour faciliter l’apport en capitaux, la participation des banques étant nécessaire pour réussir un déploiement massif. Ce type d’installations est aussi pourvoyeuses de postes d’emploi et c’est un aspect important à prendre en considération pour accompagner le programme des énergies renouvelables dans notre pays.
Qu’en est-il des autres sources d’énergie propre comme l’hydrogène vert et l’éolien ? Quel est le potentiel de l’Algérie dans ce domaine ?
Concernant l’énergie éolienne, l’Algérie est classée parmi les 3 premiers en Afrique. Une étude en cours est menée par la Banque mondiale. Nous espérons que les résultats de cette étude seront publiés pour être mis à la disposition de toutes les parties prenantes intéressées par le développement de l’énergie éolienne dans notre pays. La connaissance fine du potentiel de l’énergie éolienne est primordiale pour s’engager dans la production de l’hydrogène vert. Cette notion ‘verte’ implique que la source d’énergie doit être issue du solaire et de l’éolienne. Le pays va ainsi s’appuyer sur le programme de 15000 MWc pour amorcer la courbe d’apprentissage et travailler à réduire le coût de production du kilowattheure vert pour en faire un vrai levier de compétitivité, à l’exemple de ce qui se fait aujourd’hui avec le gaz naturel.
Si nous arrivons à proposer un kilowattheure très compétitif, nous serons en mesure d’attirer des investisseurs dans la partie de la production de l’hydrogène vert et de la transformation de cet hydrogène vert en produits à forte valeur ajoutée, susceptible de créer une économie de l’hydrogène et de sortir définitivement de la rente issue des hydrocarbures. L’Algérie a les capacités de mener une vraie transition énergétique. Elle est nécessaire pour participer à l’effort mondial destiné à réduire les émissions des gaz à effet de serre. Elle est aussi nécessaire pour que le pays devienne un producteur d’énergie verte mais surtout pour que le pays mettre un pied dans l’industrie de demain.
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