Le droit de l’exercice des médias dans l’exercice de leur mission du public à une information de qualité, complète, libre, indépendante et pluraliste, dû fait que la Charte d’éthique professionnelle des journalistes, le principe du « droit du public à une information de qualité, complète, libre, indépendant et pluraliste » a été révisé deux fois depuis la rédaction de ladite charte par le Syndicat national des journalistes (SNJ) français en 1918. Cette conception du métier n’est pas propre à l’Algérie et paraphrase l’introduction de la Charte de Munich de 1971, qui se veut une Déclaration universelle des devoirs et droits des journalistes, approuvée par la Fédération internationale des journalistes (FIJ) et l’Organisation internationale des journalistes (OIJ) : « Le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de tout être humain, y est-il écrit. De ce droit du public à connaître les faits et les opinions procède l’ensemble des devoirs et des droits des journalistes. « Ces deux programmes attribuent au journaliste une mission cruciale, celle d’assurer une série de droits que lui confient les citoyens. Le journalisme en tant que profession trouve sa raison d’être dans le service rendu au citoyen que constitue une information « libre », entre autres qualificatifs. Il y a là une responsabilité chose fragile et précieuse qu’un individu confie à autrui. Ce concept de responsabilité est d’ailleurs le socle de la déclaration du SNJ, puisqu’il y est inscrit que celle d’informer « prime sur tout autre » type de responsabilité.
En vertu de ce principe, les facteurs de responsabilité du journaliste devraient être identifiables et provenir d’une série de circonstances bien précises. C’est le cas des médecins, dont la mission est ainsi inscrite symboliquement dans le serment d’Hippocrate et encadrée par une juridiction stricte et connue de tous, rendant tout détenteur de la fonction juridiquement responsable de ses actes, eux-mêmes définis le plus formellement possible. Rien de cela chez le journaliste, ainsi que le rappelait Denis Ruellan (1993) il y a plus de vingt ans, parlant du « mythe d’un espace circonscrit et protégé » dans un ouvrage intitulé Le professionnalisme du flou. L’expression fut reprise par Erik Neveu (2001), qui déplorait « le flou d’une profession pour laquelle aucune condition d’entrée n’est requise » alors qu’elle est « plus qu’un métier », tant « l’émergence d’une presse libre est historiquement liée à la construction des régimes démocratiques » Cruciale et indéfinie, telle est la responsabilité du journaliste, qualifiée de sociale, car telle est la nature de l’acte d’informer. À l’heure où un journaliste de renom diagnostique une « explosion » de son métier sous le poids d’une masse de médias, il est nécessaire de proposer une définition, sinon expérimentale, du moins empirique, de cette responsabilité. Car si l’acte simple de communiquer ne contient pas de responsabilité sociale spécifique, le journalisme en tant que transmission d’informations s’en reconnaît une à laquelle il faut donner une substance pour pouvoir s’enquérir de son respect. Cette démarche passe par deux étapes.
En premier lieu, l’épreuve la responsabilité sociale engendrée par le fait d’informer, et ainsi interroger les acteurs concernés, afin de fixer cette responsabilité puis d’en diagnostiquer la portée. En second lieu, nous inspirant entre autres des travaux de Claude-Jean Bertrand (1997, 1999), nous évaluerons si cette responsabilité sociale est prise en compte et s’il existe des moyens efficaces pour l’assurer.
Un concept structurant mais non structuré
En affirmant que la responsabilité d’informer « prime sur toute autre », qu’elle dicte « devoirs et droits », les chartes de référence citées en introduction mettent la souveraineté du journaliste, en tant que travailleur, au centre de la déontologie du journalisme. Déontologie est ici à comprendre dans son sens étymologique, soit la « science de ce qui est convenable »
La maxime universelle que le philosophe allemand place au cœur de toute éthique se trouverait alors entre les mains de l’employé, et non de l’employeur. La charte du (SNJ) ne dit pas autre chose quand elle affirme que le journaliste n’accepte que « la juridiction de ses pairs » et n’atterrit devant la justice pénale que dans les cas « prévus par la loi ». Ces cas sont très réduits puisque la liberté d’informer, au cœur des régimes démocratiques, tolère peu de limitations et ne saurait être encadrée trop étroitement. Le corpus des lois régissant le journalisme en Algérie tel est ainsi structuré par la présomption de responsabilité du journaliste. La nouvelle loi sur l’information qui est déjà prête conformément aux instructions du président de la République Algérienne Abdelmadjid Tebboune ,la loi sur la liberté de presse, repose sur deux principes : « liberté, principe de droit naturel » et « responsabilité, principe d’ordre social » .Au centre de l’activité d’informer répondant au besoin d’information des citoyens trône un individu apte à assumer ses paroles et ses actes ; au droit de liberté d’expression répond le devoir de responsabilité.
Une responsabilité a priori laissée à l’appréciation du journaliste
Or le journaliste est un employé, non un indépendant ou un libéral. Avec l’absence d’un conseil de l’ordre et de règles restreignant l’accès au métier, ces facteurs différencient le journalisme des activités réglementées. En Algérie, le statut de journaliste, matérialisé par une carte professionnelle délivrée le ministère de l’information. Sous condition de l’employeur qui doit le mandater auprès des services du ministère de l’information afin qu’il puisse retirer la carte professionnelle du journaliste professionnel qui, actuellement est à l’étude pour identifier les vrais journalistes de la corporation et non les autres opportunités.
Le journalisme est ce que pratique un journaliste. Pour cela, il doit être rétribué par un ou plusieurs employeurs dont il dépend.
Le journaliste se situe dès lors dans un rapport mercantile classique entre offre et demande, ce qui, en l’occurrence, ne le favorise pas. Son offre n’a rien d’unique et la demande d’emploi est tarissable. Les rédacteurs de la Charte de Munich de 1971 ont stipulé, dans le cinquième paragraphe de la partie consacrée aux « droits » du journaliste, la nécessité d’un « contrat personnel assurant la sécurité matérielle et morale de son travail » et celle d’une « rémunération correspondant au rôle social qui est le sien, et suffisante pour garantir son indépendance économique ». Certes, mais comment le journaliste peut-il revendiquer une telle souveraineté de même que la pleine possession de sa responsabilité au cœur d’une branche professionnelle qui fait de lui un employé parmi d’autres ?
Au-delà du fait qu’à partir du moment où un travailleur est rémunéré pour avoir vendu sa force de travail, mais qu’il ne possède pas les moyens de production, il ne peut prétendre à l’indépendance économique ; les principes contenus dans les deux chartes éthiques mentionnées plus haut ne dépassent de toute manière pas le stade de l’intention. Il est vrai qu’un certain nombre de dispositifs législatifs, obtenus par le SNJ ou figurant dans le programme du Conseil national de la résistance (CNR), donnent aux journalistes une palette de droits : clause de conscience, grille de salaire située au-dessus du salaire minimum (ou SMIC) dès le premier échelon, abattement fiscal, entre autres. Rien, cependant, qui ne permette à l’employé de transcender sa condition de subordonné à son bailleur de fonds et ainsi faire face à la société avant même de rendre des comptes à son employeur. Cela pour éviter, justement, à un journaliste d’être seul responsable de l’émission d’un contenu qu’il n’est pas, au demeurant, seul à avoir choisi et dont il ne doit pas endosser l’entière responsabilité. Cet article, en soi, reconnaît que le journaliste est un subordonné jouissant d’une autonomie partielle.
Nous voyons que l’activité d’informer, dès la genèse du métier de journaliste, est prise entre deux feux : besoin de s’émanciper du contrôle social pour jouir de l’entière responsabilité de ses actes, corollaire moral essentiel à la liberté d’expression ; besoin, en parallèle, de bénéficier du confort financier et intellectuel suffisant pour exercer cette liberté et répondre des droits d’informer et d’être informé tels que la société les consacre. Ce confort ne peut venir qu’en échange d’une concession : soit la subordination à un employeur-financeur, soit l’établissement d’un ensemble de règles négociées avec la société qui restreignent l’exercice du journalisme en échange d’un statut particulier. Ne voulant pas coder la profession – une liberté, au sens sartrien, qui accepterait des limites cesserait d’être –, les journalistes ont fait le choix de se constituer en un marché du travail capitaliste classique, avec employeurs et employés, acheteurs et vendeurs de force de travail. Des garde-fous existent pour limiter la violence contenue dans le rapport entre les deux parties, mais ils ne donnent pas au journaliste la pleine et entière responsabilité de sa production.
Mettre la théorie de responsabilité à l’épreuve des faits
C’est ici qu’entre en jeu la recherche menée dans le cadre de notre thèse. Nous avons décidé de nous pencher sur la situation de la responsabilité sociale qui engage le journaliste dont la tâche est d’informer le public relativement au travail de l’arbitre de football (soccer), et ce, pour deux raisons et en partant d’un présupposé simple. Introduisons d’abord le présupposé.
Informer quelqu’un à propos de quelque chose entraîne, pour le journaliste, une responsabilité sociale à deux versants :
La responsabilité par rapport au sujet informé (le citoyen), qui confie au journaliste son droit à l’information
La responsabilité par rapport au sujet de l’information (ici, l’arbitre de football), qui confie sciemment, ou non, une partie de son existence sociale au journaliste puisque ce dernier le représente auprès d’un public donné. Peu importe la taille de ce public, nous sommes dans une situation où la responsabilité « vient sur le sujet responsable ».
L’arbitre de football, en tant qu’individu et que fonction, est un sujet particulièrement adapté à une étude de terrain sur cette relation de responsabilité, car son autorité s’appuie, comme n’importe quelle autre, « sur toute une technologie de la représentation » .De ce fait, il est sensible à l’information transmise à son sujet. De surcroît, cette information, située dans le domaine sportif, court le risque d’être « frappé[e] du sceau de l’illégitimité culturelle »et, par conséquent, de ne pas être considérée comme engageant autant la responsabilité de ses émetteurs qu’une information portant sur un autre domaine. Les deux auteurs mentionnés notent, en effet, que le sport souffre du fait qu’il est vu avant tout comme un loisir, un divertissement, quelque chose de peu sérieux qui décrédibilise en partie ce à quoi il s’associe. Dans le cas de la recherche scientifique, notamment, donc pour ce qui est de la recherche sur le journalisme, « le sport télévisé ne semble pas […] avoir trouvé un relais conséquent sur le terrain de la recherche », déplorent-ils. Or le cas de l’arbitre semble prouver que le sport en tant que sujet d’information, alimenté principalement par des sources audiovisuelles, met autant en question la responsabilité du journaliste que tout autre sujet. Son « illégitimité culturelle » supposée présente néanmoins un intérêt expérimental accru : si cette illégitimité est intégrée au moins partiellement par les journalistes, elle peut donner lieu à des facilités déontologiques, les implications étant moindres dans l’esprit des intéressés. Cela a été confirmé par notre série d’entretiens semi-directifs de recherche (ESDR), méthodologie d’interview privilégiée dans notre cas, car elle permet de s’appuyer sur des données déjà recueillies (l’arbitre en tant que sujet d’information) pour aller à l’essentiel, sans excessivement brider la parole de l’interlocuteur.
Cette analyse posait l’hypothèse que les journalistes, face au sujet de l’arbitrage, dépendent fortement des moyens d’information fournis par le média employeur et sont conditionnés, quel que soit le type de médias pour lequel ils travaillent, par la performance technique qu’est la retransmission télévisée d’un match de football. Cela empêcherait le journaliste de prendre en compte son entière responsabilité, ne pouvant répondre d’un « libre accès à toutes les sources d’information » (premier droit exprimé par la Charte de Munich) puisque conditionné par une seule d’entre elles : la caméra de télévision. Ce constat, encore spéculatif puisque nous ne pouvions physiquement voir l’objet de recherche, semble se refléter dans les discours produits, qu’ils soient écrits ou oraux. À mesure que l’image se précise, l’accent est davantage mis sur les erreurs, réelles ou prétendues, des arbitres, et augmente les informations négativement connotées (Hall, 1973) à leur encontre. Nous avons soumis cette déduction à l’épreuve des faits, autrement dit aux propos et au vécu des acteurs impliqués, producteurs et sujets de l’information. La troisième partie prenante de la relation, le public, était présente à travers les retombées éventuelles de l’information, retombées qui modifieraient son comportement relativement aux arbitres et les conditions d’exercice de ces derniers ; nous avons pris le parti de ne pas l’interroger directement tant « le sens des choix des publics, de ses interprétations, n’est ni quantifiable ni même accessible ».
Medjadji Habib.
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