Dr Mourad GOUMIRI.
Le projet de gazoduc MidCat (pipeline de 190 Km reliant Hostalric au nord de Barcelone à Barbaira à l’est de Carcassonne, en traversant les Pyrénées) date de 2006 dans ses premiers balbutiements puis a été abandonné en 2019 pour refaire surface aujourd’hui ! De quoi s’agit-il exactement, sinon de la construction d’un gazoduc long de quelque 300 km, traversant la chaîne des Pyrénées et approvisionnant la France, en gaz algérien mais également l’Europe dont l’Allemagne, à partir de l’Espagne, via le gazoduc sous-marin direct construit entre l’Algérie et l’Espagne. Cette veine énergétique apparaît comme naturelle et économiquement rentable, puisque les investissements lourds ont été effectués en amont. Tout bénéfice avait-on dit en substance, à cette époque, du côté espagnol ! Sauf que pour la France qui produit son électricité à partir de son parc nucléaire, le gaz algérien est un puissant concurrent qui pourrait rendre difficile l’équation nucléaire française, en plus de la poussée politique des écologistes. Il faut, pour bien comprendre les positions des uns et des autres, rappeler la situation énergétique de cette période particulière où le gaz ne représentait pas un enjeu géopolitique mais seulement économique et financier, avec des prix relatifs au plus bas, pendant la période, ce qui rendaient les investissements à consentir non rentables et risqués. Dans ce même contexte, aucun gazoduc n’a été envisagé pour alimenter la France à partir de l’Italie, (en traversant les Alpes), alors qu’elle dispose de deux gazoducs qui la relient à l’Algérie, un via la Tunisie et l’autre directement. Il est aussi vrai que le géant russe Gazprom mettait 150 Milliards des m3 de gaz par an (à des prix très concurrentiels) à la disposition des pays européens et notamment à la RFA, à travers le gazoduc North Stream I (en production) et North Stream II (en voie d’achèvement). Tous ces éléments, imbriqués les uns les autres, vont voler en éclats, dès le début du conflit ukrainien et l’embargo, impossible à mettre en œuvre à court terme, sur le gaz russe, ce qui va mettre la géopolitique aux « premières loges » du marché gazier, par rapport aux fondamentaux ! La position dure des USA à l’égard du gaz russe (voulant placer son propre gaz) et celle de l’UE et de certains États membres non dépendants, vont remettre sur la table le projet de gazoduc entre l’Espagne et la France (MidCat). Encouragé par l’UE qui semble prête à le financer et les USA, dans sa croisade contre la Russie, ce projet n’attend plus que l’aval de la France, qui le bloqué pour des raisons « environnementales », l’Espagne étant acquise ! La France, quant à elle, entend être le Hub européen unique du gaz, à la place de l’Espagne (centre de distribution, de stockage et de regazéification), pour en tirer tous les bénéfices induits par ce projet, ce que l’Espagne lui conteste. Le compromis, trouvé cette semaine, au Sommet de l’UE à Bruxelles, consiste à une relocalisation du gazoduc Midi-catalogne (MidCat), en le faisant relier Barcelone à Marseille, par voie maritime. Cette nouvelle reconfiguration va permettre à la France de consolider sa volonté de partager le Hub gazier européen avec l’Espagne. Dans ce jeu de dupe, il semble que l’Algérie bénéficie d’un rôle pivot surtout depuis que le gazoduc vertical Alger-Lagos fait l’objet de négociations pour le lancement des travaux. Notre pays, pour la première fois de son histoire, va arbitrer un rapport de force, qui se joue en Europe méridionale et entre européen. Il importe de tirer, de cette position historique, tous les bénéfices induits pour notre pays, dans tous ses compartiments, géopolitique, de sécurité et de défense, diplomatique, économique et financier.
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