A plusieurs reprises, j’avais attiré l’attention des lecteurs que le concept de corruption ne pouvait s’analyser que dans le triptyque du corrompu et corrupteur et de l’intermédiaire, éventuellement (Lire mes éditos). Cette affirmation vient de trouver une confirmation dans le dossier de présomption de corruption, à l’encontre de B. Bajolet, ancien ambassadeur de France en Algérie et ancien patron de la DGSE. Rappelons-nous que ce dernier dans un livre aux allures de testament avait écrit « je n’ai jamais vu un pays aussi corrompu que l’Algérie » ! Cette affirmation est certainement proche de la réalité mais il oublie de dire que les corrupteurs et les intermédiaires sont français et que les pouvoirs publics français n’ont jamais pris de mesures pour contrecarrer cette situation, pire encore, ils ont « accueilli » les fruits de la rapine sur leur territoire et ne sont pas prêts aujourd’hui, à nous la restituer. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, des Premier ministres, de ministres, de walis, d’officiers supérieurs, de cadres supérieurs, d’entrepreneurs publics et privés, nationaux et étrangers, de personnes morales et de simples citoyens pris dans la tourmente de l’argent facile ! Ce n’est donc pas un phénomène passager, en marge de la société mis en œuvre par une poignée de quidams mais bien d’une entreprise pensée et réfléchie, pour dépouiller notre pays de montants colossaux de ressources financières, directement pompées des recettes d’exportations des hydrocarbures. Un chiffre, à vérifier, fait état de quelque 1.000 milliards d’US$ de ressources financières engrangés par notre pays durant les années 2000. Si on évalue la corruption à 10 % de cette somme, c’est au moins 100 milliards d’US$ qui sont tombés dans l’escarcelle de la trilogie, le corrompu, le corrupteur et l’intermédiaire !
Cet ancien ambassadeur de France, en poste à Alger (2006-2008) est aujourd’hui « mis en examen » pour tentative d’extorsion de Fonds d’un montant de 15 millions d’Euros mais cette situation nous montre et nous démontre les complicités qui se nouent dans le triptyque et nous interroge : Comment se fait-il que, depuis l’indépendance de notre pays, aucune procédure à l’encontre des ressortissants algériens ou de binationaux, ne soit mise en œuvre par la justice française, alors qu’elle a multiplié ces procédures à l’encontre de personnalités africaines voire internationales ? Cette question mérite un détour, d’autant qu’un autre ex-ambassadeur de France à Alger (deux fois) et néanmoins patron des services secrets français, Xavier Driencourt a écrit dans son dernier livre que « les relations algéro-françaises relevaient de la politique extérieure et intérieure de la France » ! Pourtant, le cadre juridique est planté, depuis longtemps, en termes de protocoles d’accord, de conventions, de procédures de coopération judiciaire, d’échanges d’informations et d’expériences, entre les deux pays. On aurait pu attendre de cet arsenal juridique, des réponses diligentes des autorités judiciaires françaises, aux demandes algériennes en matière de lutte contre la corruption.
Chaque partie se jette la balle, les français en déclarant que les autorités algériennes n’ont pas formulé de demande express ou les dossiers parvenus n’étaient pas assez documentés, ce qui revient au même et la partie algérienne accuse celle français de marquer le pas même sur les dossiers parfaitement ficelés car les corrupteurs sont français. Aujourd’hui, les choses ont évolué de manière exponentielle, puisque l’Algérie a fait parvenir, à la France, au moins 43 demandes d’enquête pour corruption à l’encontre de ressortissants algériens ou binationaux, impliqués dans des affaires de dilapidation de deniers publics et qui résident en France, pour l’instant, après plusieurs mois d’enquêtes approfondies du pôle judiciaire financier. La partie française ne peut plus ignorer cette demande officielle et se doit d’ouvrir une information judiciaire pour chacun des cas envoyés. Certes, le temps judiciaire n’est pas le temps politique, ni économique et financier, ce qui se traduira par des délais forcément longs, même si des mesures conservatoires, notamment pour les biens immobiliers, peuvent être prises pour que les ressources financières ne quittent pas l’hexagone et ne s’installent pas dans des « pays gris », privant notre pays de leur rapatriement.
En effet, la corruption est possible que grâce au couple organique, composé du corrompu et du corrupteur, ce qui va nécessairement des personnes morales et physiques françaises, à différents niveaux de décision et le cas Bajolet est la preuve par neuf. Cette collusion entachera des personnalités françaises, de premier rang, du monde politique, économique et financier ! La France est-elle prête à prendre ce risque et nettoyer auprès de sa porte comme le fait l’Algérie actuellement ? Va-t-elle ouvrir cette « boîte à Pandore », qui fois entre les mains de la justice française, risque d’être incontrôlable pour le pouvoir français ? Rien n’est moins sûr.
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