Entretien avec Yazid Aguedal, membre du Conseil d’administration du GAAN
Yazid Aguedal est membre du Conseil d’administration, du Groupement algérien des acteurs du numérique (GAAN), une association créée en janvier 2020 par un groupe d’entreprises algériennes œuvrant dans le domaine du numérique. Il nous livre, dans cet entretien, le point de vue de son organisation quant à la transformation digitale en cours dans notre pays. De même qu’il propose un certain nombre de recommandations de spécialistes à même de contribuer à accélérer ce processus de numérisation de la sphère administrative et économique.
La numérisation est un concept qui s’est imposé dans le débat public ces dernières années et une multitude de mesures a été entreprise par les autorités pour accélérer la transformation numérique. Quel bilan peut-on faire aujourd’hui ?
Ce qui change aujourd’hui par rapport aux années précédentes c’est la volonté politique qui est là de faire avancer la transformation digitale au niveau du pays, à commencer par le président de la République. Cette volonté est affichée, claire, nette et plein d’actions le démontre. La dernière action en date qui montre cette volonté d’accélérer ce processus est la création du Haut-commissariat du numérique (HCN) qui, théoriquement, va remplacer le ministère chargé du Numérique.
Ce Haut-commissariat a pour mission de mettre en place la stratégie nationale pour le numérique. C’est en quelque sorte le chef d’orchestre de tout ce qui est transformation digitale, mise en place de la stratégie, de plans, de lois et toutes les mesures qui doivent accélérer le numérique et la transformation digitale au niveau du pays. S’agissant du bilan, ce que l’on peut dire c’est qu’on ne peut pas avoir un seul bilan.
Il y a, en effet, des secteurs qui avancent très rapidement alors que d’autres le font avec un rythme qui n’est pas vraiment acceptable. Il faut savoir qu’historiquement, il y a des secteurs qui sont en avance, à l’instar du ministère de la Justice, ou celui de l’Intérieur qui ont entamé leur numérisation depuis longtemps. Il y a, ensuite, une seconde catégorie d’institutions qui commencent à rattraper le retard, à l’image du ministère de l’Enseignement supérieur, de l’Education nationale ou celui du Travail avec ses plateformes Cnas et Casnos.
Le ministère des Finances, pour sa part, a mis en place son data center et même son système Djibayatic qui est en train d’avancer puisqu’il y a beaucoup de sites pilotes dans les wilayas qui, graduellement, rejoignent le système. On peut donc dire que ça commence à bouger. Il y’a, par contre, d’autres secteurs qui n’arrivent pas à tenir le rythme. Mais puisqu’il y a une volonté politique affichée, la stratégie nationale qui se met en place va permettre d’accélérer les efforts consentis et d’inciter les retardataires à se rattraper.
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a ordonné, lors du dernier Conseil des ministres, la numérisation totale de tous les secteurs. Mais ce n’est pas la première fois que le chef de l’Etat évoque la question. Cette insistance cache-t-elle une résistance à la numérisation, au niveau des institutions ?
Pourquoi ça marche mieux dans certains secteurs et pas dans d’autres ? Il y a, certes de la résistance au changement. C’est clair. Il y a des gens qui vont voir leurs intérêts, leur pouvoir partir une fois les systèmes automatisés mis en place. Mais, il n’y a pas que ça. Il faut savoir, en effet, que les projets de numérisation sont complexes.
Souvent, cela nécessite des compétences qui n’existent pas ou qui manquent au niveau du secteur public. Parfois, les budgets ne sont pas bien estimés, voire ne sont pas bien gérés. Et des fois il y a aussi les délais qui sont affichés mais qui ne sont pas réalistes. Il y a, donc différents facteurs qui font que ça n’avance pas.
La numérisation ce n’est pas uniquement des plateformes, ce n’est pas uniquement des systèmes. On parle là de transformation digitale. Donc ça va impliquer automatiquement un changement dans les procédures, les postes de travail, le niveau des personnes, la formation, l’accompagnement. Et puis la solution technique interviendra pour accompagner le tout.
Un projet de loi portant numérisation est actuellement en préparation. Etes-vous associés à l’élaboration de cette loi ?
Certes, pour l’élaboration de la loi sur le numérique, le GAAN a été invité par le HCN, mais ce que nous voulons en tant qu’acteur du numérique c’est que l’implication soit beaucoup plus inclusive, plus importante. Car les acteurs du numérique sont sur le terrain et connaissent mieux que quiconque les problèmes qui sont posés.
Pour certains, ils sont là depuis plus de 20 ans, pour d’autres c’est 30 ans et plus. Je pense donc que l’association des acteurs du numérique est nécessaire et son rôle est très important pour la stratégie et pour la loi sur le numérique.
L’Algérie a commencé à se doter de data centers pour le stockage des données. Les efforts déployés sont-ils suffisants pour répondre à la demande en la matière ?
En fait, les data center ce n’est pas quelque chose de nouveau dans notre pays. Il y a beaucoup de structures étatiques qui disposent de leurs propre data center. On peut citer le ministère des Finances, Sonatrach etc. Aujourd’hui, ce qui est d’actualité c’est un data center gouvernemental avec des normes internationales qui sera réalisé par un géant mondial pour pour assurer le stockage de toutes les données et les applications des services gouvernementaux. Peut-être que ça va même aussi inclure les données et applications des opérateurs privés.
La mission de ce data center est de pouvoir accompagner cette transformation digitale et assurer une souveraineté numérique à notre pays. On va, ainsi garantir que les données et les applications sont maitrisées et sont en Algérie. Ce data center sera automatiquement doté d’un site de secours qui va garantir la continuité de l’activité même en cas de problème sur le data center principal. C’est clair que c’est une étape importante dans la mise en place de la transformation numérique.
En tant qu’acteurs du numérique que recommandez-vous pour développer un écosystème digital à même de contribuer à l’essor de l’économie nationale ?
En tant qu’acteurs du numérique ce que nous avons toujours recommandé c’est la mise en place d’une organisation ou d’une structure centrale qui va être le chef d’orchestre. Ce qui a été fait avec l’installation du HCN. Cela permet d’avoir une seule et même vision, d’assurer l’interopérabilité entre les systèmes des différentes structures et secteurs de l’Etat et d’avoir une stratégie claire en termes d’investissement, de choix stratégiques, d’infrastructures, de choix technologiques, de systèmes à mettre en place en priorités.
Nous avons également recommandé de faire appel aux compétences locales pour réussir cette transformation numérique et assurer la souveraineté nationale. Avoir des acteurs locaux forts présente ceci d’avantageux : c’est que ces cadres algériens vont accompagner cette transformation digitale pour assurer sa pérennité, sa sécurité, l’aspect confidentialité et surtout garantir un transfert de compétences et une maitrise de cette transformation.
Le fait que les opérateurs étrangers partent une fois les projets terminés ne nous aident pas à capitaliser l’expérience. C’est pour cela que nous insistons toujours sur une meilleure implication des acteurs locaux du numérique par les autorités dans tout ce qui est entrepris dans le domaine de la transformation digitale.
En tant que corporation d’opérateurs du numérique, quelles sont les préoccupations qui se posent pour vous ?
En tant que représentants des acteurs du numérique en Algérie, nous avons de nombreuses doléances que nous avons adressées aux autorités et aux structures concernées. Ce que nous voulons c’est l’amélioration de l’écosystème pour donner plus de chances aux acteurs algériens de travailler, d’avoir plus de marchés, de se développer, d’avoir des facilitations en termes d’emplois et de fiscalité, mais aussi par rapport à l’export de service.
Il s’agit également de leur faciliter l’accès aux marchés publics puisque la commande publique représente le gros des projets dans ce domaine. Beaucoup de cahiers des charges éliminent, par le contenu, les acteurs locaux. Il faut donc travailler sur cette question pour donner plus de chances à ces acteurs locaux de se développer, de recruter, de maintenir la ressource humaine spécialisée dans le pays. Cela permettra d’éviter qu’elle quitte le pays à cause de l’absence de perspective professionnelle.
Confier les projets aux acteurs locaux va, par ailleurs, les aider à devenir des champions qui pourront, demain, proposer leurs services à l’étranger. Cela va contribuer à faire des rentrées en devises pour le pays. La promotion de champions locaux présente, sur un autre plan, l’avantage d’assurer la souveraineté numérique au pays. On demande donc à ce que ces acteurs soient considérés, aidés et soutenus par les autorités.
La Cour pénale internationale (CPI) a émis, jeudi 21 novembre, des mandats d’arrêt visant le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et son ancien ministre de ...
La Banque mondiale, dans son dernier rapport sur l’économie algérienne (Automne 2024), met en lumière le potentiel important du pays pour développer ses exportations hors ...
L’Algérie a appelé, lundi 18 novembre , la communauté internationale à respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale du Soudan, tout en exigeant une condamnation ferme ...